Discussion around Teaching French with a Fellow Teacher in Sweden (Part 2)
[04 min 51 sec] – PART 1
[…]
Ludovic : Et puis après si on veut faire des vraies phrases… la grammaire est un mélange un petit peu de… à mi-chemin entre l’allemand et l’anglais[1], on peut dire.
Jessica : D’accord.
Ludovic : Donc… c’est-à-dire que… bon il y a forcément une grosse influence germanique, il y a eu pas mal de commerce[2]… entre l’Allemagne et… et la Suède dans l’Histoire. Donc du coup… il y a eu pas mal d’influence, il y a eu beaucoup d’Allemands qui habitaient là-bas… il y a eu…
Jessica : Mais est-ce que… pardon, le suédois… parce que l’anglais et l’allemand, ce sont toutes les deux des langues germaniques donc au niveau des familles de langues, est-ce que le suédois est aussi une langue germanique ?
Ludovic : Alors là, tu me poses des questions !… il me semble que oui mais j’ai pas envie de dire de bêtises. Du coup je vais…
Jessica : D’accord. Donc à vérifier. Je… ouais.
Ludovic : Et puis le.. enfin le comble, c’est que j’ai eu un cours par rapport à ça et maintenant que tu poses la question, j’ai tellement pas envie de dire de bêtises[3]…
Jessica : Ouais.
Ludovic : Que je pense m’abstenir. Mais oui… c’est une langue germanique[4] je… il me semble. J’ai pas… mais oui.
Jessica : D’accord.
Ludovic : Une langue…
Jessica : Je vérifierai, je mettrai dans les show notes. Ouais.
Ludovic : Oui, voilà. Ou si c’est pas germanique, c’est nordique. Mais bon il y a une… il y a une… il y a un lien !
Jessica : Ouais.
Ludovic : C’est un peu… il y a quelques origines, on va dire.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Euh mais du coup par exemple, il y a pas mal de mots qui se ressemblent… par rapport à l’allemand ou parfois des… des structures grammaticales un petit peu. Donc quand tu mets le verbe avant le sujet par exemple. Ça, ça arrive.
Jessica : Hm. Tu avais appris l’allemand avant, dans ta… dans ta scolarité ?
Ludovic : Oui, j’ai appris… oui, j’ai fait de l’allemand[5] pendant… de… du… de la sixième[6] jusqu’à l’université. Donc…
Jessica : Ouais.
Ludovic : Donc ouais, j’avais quelques années derrière… derrière mon dos[7].
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Mais est-ce que… et après au niveau… il y a des mots français parce que il y a eu la… comment dire la… il y a eu… il y a eu un Français[8] qui a… qui est devenu roi de Suède au XVIIème[9] siècle, si je ne dis pas de bêtises. Bernadotte. Et du coup qui a eu une influence du français, donc le français était une des langues parlées à la cour. Et du coup le français… les mots… il y a pas mal de mots français dans tout ce qui est par exemple le langage de la cuisine… dans le langage du théâtre aussi par exemple.
Jessica : Tu peux donner quelques exemples ?
Ludovic : Alors pour le théâtre par exemple bah rideau… le… le rideau qu’il y a sur… la scène, c’est la « scen ».
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Rideau, c’est « ridå ». Qu’est-ce que je peux… qu’est-ce qu’il y avait d’autres… les sièges où on s’assoit donc c’est… donc des fauteuils, donc c’est « fåtölj » aussi.
Jessica : Ah oui !
Ludovic : Mais ce qui est rigolo, c’est qu’ils ont… c’est… c’est pas écrit comme… avec… en français. Ils ont adapté l’orthographe de ces mots à… à la phonétique suédoise. Donc rideau par exemple, en français, ça s’écrit R-I-D-E-A-U.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Alors que en suédois, ça s’écrit R-I-D et Å avec un petit rond par-dessus. Qui se prononce O.
Jessica : Ooh ! D’accord.
Ludovic : Donc tout de suite… Tout de suite ça fait un petit peu plus exotique. C’est plus rigolo. (rires) Et…
Jessica : Et fauteuil alors ?
Ludovic : Et faut… et fauteuil du coup, alors ça devient donc… fauteuil, qui en français s’écrit F-A-U-T-E-I-L s’écrit en suédois F-Å avec un petit rond pour le son O. T-Ö avec un tréma donc avec deux petits points au-dessus pour le son E. L-J.
Jessica : Ooh ouah ! Ouais.
Ludovic : Et ça se prononce donc….
Jessica : Je note et je me demande comment ma transcriptrice va… va faire. Mais euh… je rappelle, je sais… je crois que t’as oublié une lettre en français !
Ludovic : Alors attends !
Jessica : Je ré-épelle parce que c’est un mot qui pose vrai…
Ludovic : F-A-U…
Jessica : Oui.
Ludovic : F-A-U-T-E-U-I-L. J’ai oublié quelque chose ?
Jessica : Oui, voilà.
Ludovic : Hm hm. Qu’est-ce que j’avais oublié ?
Jessica : Je… il manquait[10] le… le E ou le U il me semble. Et… et comme c’est un mot qui pose vraiment beaucoup de difficultés avec… auprès des apprenants anglophones, c’était super que tu l’épelles. (rires) Fallait juste corriger ça.
Ludovic : Voilà, fallait juste le faire correctement, oui c’est ça.
Jessica : Voilà (rires). Et…
Ludovic : Mais… et pareil « restaurant » par exemple, c’est « restaurang » mais c’est avec un G à la fin, à la place du T. Me demande pas pourquoi !
Jessica : D’accord. Ouais. Donc c’est… c’est pas… c’est intéressant parce que c’est pas les mêmes… ou pas nécessairement en tous cas, les mêmes mots que… tu sais que donc l’anglais a beaucoup de mots français également, mais c’est pas les mêmes mots…
Ludovic : Hm ! Non.
Jessica : Qui sont pris du français vers le suédois.
Ludovic : Non, non c’est… c’est adapté vraiment à… à leur Histoire.
Jessica : Donc l’alphabet… bon, on peut… on peut peut-être pas dire que l’alphabet est différent mais en tous cas les signes graphiques ou les accents vont être… vont l’être en tous cas. Tu parles des petits ronds.
Ludovic : Alors, oui. Oui, des petits ronds. Alors, l’alphabet en fait, on peut le considérer comme différent parce que… en français, nous quand on a… quand on ajoute un accent ou un tréma[11] pour nous, c’est pas une… ça devient pas… c’est pas une nouvelle lettre. On a 26 (vint-six) lettres auxquelles on ajoute…
Jessica : Aah !
Ludovic : Des accents. Alors que, en suédois, le Å avec un petit rond dessus, le Ä avec un tréma et le Ö avec un tréma sont des lettres supplémentaires.
Jessica : Ah ! Donc qui font partie de l’alphabet. Donc il y a plus… il y a plus de lettres dans l’alphabet suédois en fait.
Ludovic : Il y en a 29 (vingt-neuf). Il y a en 29 (vingt-neuf).
Jessica : 29 (vingt-neuf) ?
Ludovic : Hm.
Jessica : Ooh ! Très bien. Hm hm.
Ludovic : Ce qui est un peu bizarre pour nous, enfin quand on arrive comme ça mais… voilà. Si vous voulez chercher un mot qui commence par Ö avec deux… avec un tréma donc avec deux points, il faut… c’est la dernière lettre. Donc il faut finir… il faut aller à la fin du dictionnaire pour chercher… chercher la signification.
Jessica : Ah oui, il faut savoir que… faut… faut connaître donc l’ordre de ces lettres dans… dans le dictionnaire. Ouais.
Ludovic : Voilà. Ce sont trois lettres qui sont rajoutées à la fin, donc c’est pas trop compliqué à apprendre.
Jessica : D’accord. Au niveau grammatical, est-ce qu’il y a donc des genres ? Donc le genre comme masculin et féminin en français ?
Ludovic : Il y a des genres… qui sont pas le masculin et le féminin mais qui sont le neutre et le non neutre. Donc le… pour… pour déterm/enfin pour savoir ce que c’est, il y a le… les noms qui sont précédés par « ett » donc qui sont des… alors attends du coup, que je me trompe pas !
Jessica : Préfixe ?
Ludovic : Alors… alors c’est compliqué, je sais plus… c’est compliqué, c’est pas si compliqué que ça mais ça demande une explication. En fait, le… l’article qui vient déterminer si c’est « le » ou « la » en français… est… pour un déterminé, pour… pour… pour un article défini en fait, il vient se coller à la fin du mot. Quand il est défini et…
Jessica : Ouais.
Ludovic : Et quand… et s’il se trouve avant le mot en fait, c’est indéfini, donc ça fait « un » donc… si je donne un exemple… par exemple, « pomme ».
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Donc c’est le mot pour… en suédois, c’est « äpple », donc qui ressemble un petit peu au[12] « apple » anglais. Donc « äpple ».
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Donc le… c’est « ett » donc une pomme, c’est « ett äpple ».
Jessica : Ouais.
Ludovic : Mais par contre, si je veux dire « la pomme », je colle le « ett » à la fin donc ça fait « äpplet ».
Jessica : Ouah ! Donc en fait c’est pr/c’est peut-être plus difficile à… à apprendre que… que le français le suédois, ça doit être un… un cauchemar, défini, indéfini… neutre, non neutre…
Ludovic : Ça… ça se fait pas trop mal en fait, c’est plutôt un… ça fait un peu un jeu en fin de compte parce que faut coller à la fin, faut voir si ça colle… parfois, il y a besoin de rajouter une petite lettre pour que ça se prononce mieux… mais c’est pas… c’est pas si cauchemardesque… sur le… j’imagine que oui, quand on.. quand c’est la première fois qu’on entend ça, on se dit ooh…
Jessica : Allo ?
Ludovic : Ouais, est-ce que tu m’entends ? Pardon.
Jessica : Oui, je crois qu’il y a eu une coupure, mais une seconde[13], donc on continue.
Ludovic : Ah pardon !
Jessica : Ouais.
Ludovic : Donc… on s’y fait, c’est pas si cauchemardesque que ça. C’est un petit… c’est assez rigolo. Et… et il y a des avantages aussi qui sont… que par exemple, pour la conjugaison… il n’y a que une forme verbale par temps. Donc c’est-à-dire que pour dire… je suis, tu… enfin, le… le verbe être…
Jessica : Ouais.
Ludovic : Si on le conjugue par exemple… pour je, tu, il, nous, vous, ils, elles, c’est seulement… c’est seulement une… une forme. Donc…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : C’est comme si on disait en français « je suis, tu suis, il suis, nous suis, vous suis, ils suis, elles suis. »
Jessica : Voilà, donc on a la forme infinitive et ensuite on a une forme par temps.
Ludovic : Voilà, exactement.
Jessica : Oh bah ça, c’est pratique! Parce que les… ouais, les verbes et les… les modes et temps de conjugaison, c’est… en général pas la tasse de thé des… des étudiants.
Ludovic : Alors, pas du tout. Alors ça c’est super pour nous quand on apprend. Par contre, du coup, quand on enseigne le français ou n’importe quelle langue étrangère à… aux Suédois, pour que ça…
Jessica : Ouais.
Ludovic : Pour que… pour que le fait de changer la conjugaison reste dans leur tête, c’est… c’est un cauchemar.
Jessica : Ouais.
Ludovic : Je… c’est quelque chose avec lequel je me bats quotidiennement…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Parce que je vois… aussi bien en fran… alors en français c’est forcément plus difficile parce qu’il y a quasiment 6 (six) formes différentes alors c’est… c’est pas évident. Mais même en anglais par exemple…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Que après « he, she » et « it », on met un « S » au verbe…
Jessica : Ouais, ouais.
Ludovic : Les étudiants ont du mal à s’en[14] souvenir.
Jessica : Eh ouais ! Ouais.
Ludovic : Alors que c’est simple !
Jessica : Donc justement… ouais, enfin… pour nous, ça paraît simple… juste penser à mettre un S à la troisième personne du singulier… oui. Mais effectivement, si on n’a pas l’habitude de faire ça… donc je me… donc là tu viens de citer une difficulté donc typique… typique de tes étudiants qui… comment on dit… si ils parlent suédois ? On peut pas dire suédiphone ? Tu sais comment on le dit ?
Ludovic : Suédophone. Suédophone.
Jessica : Suédophone. Hm hm.
Ludovic : Bah c’est ce que… c’est ce que j’ai utilisé d’habitude. Je crois que Word me… me dit que c’est faux. Mais j’ai pas trouvé autre chose !
Jessica : Ah bon.
Ludovic : Mais si vous allez sur internet, en général, vous trouverez suédophone.
Jessica : D’accord, ouais.
Ludovic : Donc je sais pas, il y a pas de… il y a pas d’officiel.
[14 min 16 sec] – PART 2
Jessica : Bon, alors comme t’as déjà travaillé avec des étudiants… anglophones, t’es… tu… t’es sans doute conscient des… des difficultés typiques, des erreurs qui reviennent toujours sur le tapis.
Ludovic : Oui.
Jessica : Quelles sont… quelles seraient les… les erreurs typiques ou… les difficultés même phonétiques ou grammaticales de… de tes étudiants suédophones ?
Ludovic : Alors, qu’est-ce que… par exemple, qu’est-ce qui peut y avoir ? Tout est…
Jessica : Qu’est-ce que t’entends[15] au quotidien ? (rires) Qu’est-ce qui t’arrache les cheveux?
Ludovic : Alors… alors quelque chose au niveau phonétique, qui m’arrache pas les cheveux mais qui est très typique des… des suédophones, c’est… par exemple, les… les consonnes vocales. Donc le [z], le [ʒ]… donc… je sais pas… comment prononcer le J ou le G par exemple, ou le Z, ou le S entre deux… entre deux voyelles.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : C’est difficile pour eux donc le… donc ces sons-là ne… ne font jamais partie de leur… de leur quotidien. Enfin, ça fait pas partie de… de l’alphabet… enfin, ça fait partie de… pardon, je m’exprime mal. Ça fait partie de l’alphabet mais disons que la phonétique est toujours de façon plus sourde. Donc du coup c’est… ce sont des sons qui sont… donc on a beaucoup de « bonchour » par exemple. C’est pas toujours évident d’avoir des « bonjour ».
Jessica : « Bonchour », okay. Ouais.
Ludovic : Ou… qu’est-ce que je peux trouver comme autre exemple… donc il y a ça…
Jessica : Avec un [s] ou un [z] ? Ah oui les nasales aussi ?
Ludovic : Les nasales, forcément. Parce que il y a pas…
Jessica : Qui n’existent pas… en suédois.
Ludovic : Donc ça c’est plutôt pour la phonétique mais en général, ça se passe bien. Si, la… une chose qui se passe beaucoup en phonétique, c’est que… le… les voyelles par exemple se prononcent beaucoup à l’arrière de la bouche chez les Suédois. Donc le A par exemple, si vous lisez l’alphabet, juste la lettre, c’est pas [a] comme on pourrait dire en français, c’est [A]. Donc c’est vraiment plus… je sais pas si tu… si c’est très clair mais…
Jessica : Hm hm. Oui, oui.
Ludovic : C’est vraiment plus à l’intérieur. Donc du coup, pour eux parfois c’est difficile de… de prononcer certains mots en français parce que du coup faut… faut lancer un petit peu plus vers l’avant de la bouche le… le son…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Pour que ça fasse plus authentique et du coup parfois ça peut poser problème ça aussi. Donc j’essaie toujours de dire à mes élèves : « Lance le… lance le son, fais comme si tu devais parler à quelqu’un qui est à l’autre bout de la pièce ». Parce que…
Jessica : Ouais.
Ludovic : On utilise des sons qui sont très… vraiment à l’avant de la bouche… donc ça… sinon, ça devient difficile quoi. Donc les Suédois ont…
Jessica : C’est intéressant de… de visualiser ou de… de faire un geste pour essayer d’accompagner le son en fait.
Ludovic : Ouais.
Jessica : Ouais.
Ludovic : Exactement. Donc ça, c’est plutôt pour la phonétique… après en grammaire, les verbes. Les verbes, c’est une… une catastrophe.
Jessica : Ouais.
Ludovic : Mais on s’y fait, on s’y fait[16]. Mais c’est vrai que c’est très difficile, c’est vrai que c’est très très difficile pour eux de vraiment se souvenir que voilà. C’est comme… c’est systématique, on change le verbe à chaque fois. Mais voilà, c’est… c’est normal. Bon c’est…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Et puis il y a pas le même… quand on… même en suédois… enfin dans la matière, je veux dire, à l’école, il y a pas beaucoup de… de focus qui est fait sur la grammaire. En France, on est extrêmement grammaticaux, on sait ce que c’est qu’un substantif[17], qu’un verbe, qu’un adjectif etc.
Jessica : Ouais.
Ludovic : En Suède, c’est pas si automatique que ça. Et l’accent n’est pas vraiment mis sur la grammaire en fait.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : C’est pour ça d’ailleurs que en fin de compte, quand ils apprennent une langue étrangère, les Suédois impressionnent parce qu’ils parlent l’anglais avec une… avec une aisance vraiment… vraiment impressionnante.
Jessica : Ouais.
Ludovic : Mais que quand ils écrivent, vraiment… c’est pas forcément super, super (rires). Enfin j’ai… j’ai été un peu surpris on va dire au début.
Jessica : D’accord.
Ludovic : Ils font pas… ils sont très très très doués mais c’est vrai que par rapport à… au début quand on arrive à Stockholm où… voilà… où tout le monde vous parle en anglais sans aucun problème, enfin… c’est vraiment… ça paraît… c’est vraiment une seconde langue quoi pour eux.
Jessica : Ouais.
Ludovic : C’est vrai que quand on voit comment… comment la plupart des élèves écrivent[18]… aussi bien adultes que… qu’enfants, c’est… parfois… ouah ! C’est pas si… il y a des choses qui sont pas forcément acquises dès le début quoi. Mais c’est aussi parce qu’ils apprennent d’une façon différente.
Jessica : Ouais. Alors en Australie… donc je trouve ça très problématique mais bon. Le… le système scolaire a… arrêté l’enseignement de la grammaire il y a… quelques années, une ou deux générations. Parce que seulement mes étudiants les plus âgés savent ce qu’est un adjectif, un nom, un article etc. Ce qui facilite beaucoup la chose parce que bah… on a… on a un nom de référence pour pouvoir expliquer la… la grammaire.
Ludovic : Ah oui.
Jessica : Avec les autres, avec les plus jeunes, je dois reprendre les bases parce que… c’est… donc c’est ce qui va permettre… ce qui va me permettre d’expliquer donc… donc la langue. Et donc qu’est-ce que… qu’est-ce qu’un nom, qu’est-ce qu’un adjectif… pour pouvoir ensuite dire l’adjectif doit s’accorder avec le nom etc. Donc ce que tu disais, c’est que les… les Suédois n’ont peut-être pas non plus cet apprentissage formel de la grammaire et du méta-langage. Méta-langage pour les auditeurs de French Voices, c’est… c’est justement tous ces petits mots qui permettent de… de nommer les… les aspects de la grammaire. Donc par exemple complément d’objet direct, infinitif, participe passé. Les… donc les étudiants suédois ne… ne sont pas exposés à ça par leur langue maternelle ?
Ludovic : Ils… ils le sont mais d’une façon beaucoup moins forte que nous. Enfin je pense que…
Jessica : Beaucoup moins, ouais. D’accord.
Ludovic : Nous, nous… on apprend ce que c’est qu’un… enfin je me souviens du coup, quand je tra… j’avais pas vraiment de souvenir de mon école primaire par rapport à ça mais quand je travaillais dans l’école française à Stockholm, je me souviens qu’on… la première fois qu’ils voyaient sujet, verbe, complément etc., c’était en… en CE1[19], quand on avait… c’était quand ils avaient 8 (huit) ans à peu près.
Jessica : Ouais, d’accord.
Ludovic : Mais je pense que ça vient beaucoup plus tard avec le suédois par exemple.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Mais… il y a une… oui, enfin après je ne sais pas pour… parce que ça a changé avec les générations, j’imagine que… j’enseigne… là pour le moment, j’enseigne un petit peu à l’université à des adultes dans des cours de conversation. Et donc du coup, c’était que de la conversation donc ça… je voyais pas comment ils écrivaient. Et donc là, j’ai seulement contact avec… avec des adolescents ou des jeunes adultes. Et c’est vrai que… je vois que c’est… ce sont pas des concepts qui sont très très… parlants. Pas très faciles pour eux. Toujours… certains se débrouillent très très bien par contre.
[20 min 23 sec] – PART 3
Jessica : D’accord, hm. Alors, ça va peut-être te prendre un peu au dépourvu parce que quand on… quand on pose des questions sur les… les souvenirs, c’est le moment où les souvenirs ne reviennent pas en mémoire mais… est-ce que tu aurais des… des anecdotes de classe, peut-être des perles d’étudiants à partager ou des moments particulièrement émouvants ou inoubliables que tu as vécus avec… avec tes étudiants au cours de tes expériences d’enseignement, que ça soit en… en Grande-Bretagne ou en Suède ?
Ludovic : Oh là ! Alors oui, du coup là (rires)…
Jessica : Je t’avais prévenu…
Ludovic : Oui, oui je sais ! Alors, là j’ai pas mal de choses qui me reviennent et à la fois rien du tout, c’est ça qui est très… qu’est-ce que… bah disons que… émouvant ou… émouvant ou drôle enfin en fait, c’est difficile pour moi de… là, de citer quelque chose de très… de très spécifique mais je pense que quelque chose qui est assez commun à nous tous, qui avons fait du Français Langue Etrangère et qui avons enseigné le… le français à des… dans des Alliances Françaises, dans des instituts, que ça soit en France ou à l’étranger, c’est qu’on… on rencontre tellement de gens différents, aussi bien bah forcément de caractère mais aussi bien de nationalité, que du chemin de vie, que de…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Que c’est… en fait, ce que… ce que je retiens[20] beaucoup plus en fait, c’est ça… c’est… c’est le fait d’avoir rencontré des gens qu’avaient… soit qu’ont complètement changé de vie, qu’ont… ou alors qui apprennent le français pour certaines raisons enfin c’est… c’est… c’est surtout ça qui m’a marqué en fait.
Jessica : Les rencontres humaines en fait.
Ludovic : Totalement, totalement.
Jessica : Ouais, Ouais.
Ludovic : Et puis d’avoir des gens vraiment… oui de tous… de tous horizons, de toutes origines… aussi bien sociales que… que… que ethniques… enfin vraiment… là mon premier travail en Suède par exemple, c’est dans un… un lycée de banlieue où les… il y avait peu… peu de Suédois finalement. La plupart des élèves étaient… c’était le… c’était le lycée donc c’était quand des… quasiment des jeunes adultes mais tous les étudiants étaient issus de l’immigration donc par… certains venaient d’arriver donc il y avait des… des cours de suédois pour eux. Parfois l’alphabétisation, donc pour leur apprendre à lire, à écrire. Il y a avait des… et la plupart donc des élèves qui étaient dans un cursus peu classique… avaient… enfin étaient d’origine somalienne, syrienne, iranienne etc.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Donc un mélange… un mélange de cultures mais du coup il faut… il fallait adapter le… la façon d’apprendre à la suédoise, ou du moins s’adapter au cursus suédois par rapport à ce que… leurs expériences d’écoles précédentes… par rapport à leur culture…
Jessica : Ouais.
Ludovic : Par rapport au fait que bah… parfois, c’est… c’est pas toujours évident. Ils avaient parfois d’autres choses à… d’autres choses à faire dans leur vie enfin qui… qui prenaient beaucoup de place donc c’est… c’était… c’est pas toujours, oui. J’ai… j’ai du mal à pointer du doigt un… quelque chose de particulier finalement. Parce que c’est surtout ça qui reste.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Je trouve. C’est une richesse !
Jessica : Tu m’as fait penser à… ouais, c’est vrai. Parce que c’est vrai que quand on enseigne le français à des… à des étrangers finalement c’est un enseignement à double sens parce que bien sûr, nous on enseigne la langue mais… enfin ça… ça… donc on reçoit aussi en retour. C’est un échange de cultures. Mais je pensais juste à cette… cette fois où j’étais assise à… avec une étudiante qui est devenue une amie à… à la Trinité et Tobago, donc Trinidad et Tobago, c’est là où j’ai fait mon… mon stage de… de Master 1.
Ludovic : Hm.
Jessica : Et… elle m’a dit : « Mais Jessica tu te rends pas compte de tout ce que tu apportes à… autour de toi », par exemple, même à… à son meilleur ami à elle qui n’apprenait pas le français mais qui n’était jamais sorti de son pays, qui n’avait pas d’autres connaissances linguistiques etc. Le fait d’avoir un… juste de rencontrer une… une personne qui vienne[21] d’un… d’un autre monde, en fait, ça permet de… changer, pas transformer littéralement mais de… d’apporter un petit quelque chose dans la vie des… des autres personnes, en fait.
Ludovic : Hm. Ouais, totalement. Mais comme tu dis, c’est vraiment à double sens, nous on est là pour apporter des… des connaissances par rapport à notre pays. Mais c’est vrai que eux par… les étudiants d’où qu’ils viennent par rapport à leurs… par rapport à leurs expériences, par rapport à leurs… leurs opinions parfois aussi. Parce qu’on découvre des choses que bah oui, certaines… certaines cultures voient les… des thèmes d’actualité par exemple d’une fa/d’une façon différente. Et que… parfois, c’est pas seulement une opinion personnelle, c’est juste que voilà, dans certains pays, c’est comme ça que ça se fait. Donc ça ouvre…
Jessica : Une autre représentation de… des choses en fait.
Ludovic : Ouais, voilà. Ça… ça ouvre… ça ouvre l’esprit à une forme de… à une compréhension… après on a le droit… on est tout à fait, enfin… on a tout à fait le droit d’avoir sa propre opinion et de ne pas être d’accord avec… avec qui on parle… forcément. Mais… ça… ça permet de comprendre énormément de choses, c’est clair.
Jessica : Hm hm. Oui, alors donc apprendre les langues, c’est super. Donc… (rires) au niveau culturel bien sûr, mais aussi au niveau… d’un point de vue linguistique, on a aussi une… une gymnastique… donc une gymnastique mentale etc. Donc je pense qu’on a bien… bien mis cet… cet aspect… cet aspect-là en valeur. Est-ce que t’aurais un ou deux top conseils… donc pour les auditeurs de French Voices et… et donc étudiants de français pour d’une part apprendre le français et d’autre part réussir à garder leur… leur passion et leur motivation intactes. Quels seraient tes… tes petits conseils ?
Ludovic : Alors, je vais peut-être en donner deux ou trois.
Jessica : Ouais.
Ludovic : Alors le premier ce serait d’écouter tes podcasts régulièrement déjà, forcément.
Jessica : Bien sûr ! (rires) Ca va sans dire !
Ludovic : Mais… ton podcast… tes podcasts puisque… il y en a plusieurs… mais après…
Jessica : Voilà, je fais un petit coup de pub alors ?
Ludovic : Vas-y ! Fais-toi plaisir !
Jessica : Donc vous écoutez French Voices et j’ai aussi French Your Way Podcast qui est disponible sur iTunes et sur mon site internet www.frenchyourway.com.au . Fin du spot publicitaire !
Ludovic : Donc voilà donc… (rires). Mais du coup, donc ouais ! C’était… alors d’abord si vous êtes… enfin, j’imagine que si vous êtes débutant, vous n’écoutez pas forcément ces interviews, du moins pas jusqu’à… jusqu’à ce point-là ? Vous avez du courage!
Jessica : Pas jusqu’au bout. T’as parlé très longtemps.
Ludovic : Ouais, je sais (rires). Euh… et du coup… alors mon premier… oui. Ce serait de… si vous êtes dans un pays francophone, peu importe… le Canada, le Québec, enfin… la Belgique, la France etc. N’ayez pas peur de parler en français aux gens.
Jessica : Hm hm.
Ludovic : On fait tous… on fait tous des erreurs. Même nous les profs de français, on fait des erreurs de français, ça arrive, on vous pardonne et que… tout effort de parler français à des francophones est toujours apprécié !
Jessica : Oui.
Ludovic : Même si après… à Paris par exemple, je sais que beaucoup de mes étudiants sont frustrés parce que maintenant tout… il y a 10 (dix) ans, personne ne voulait parler anglais et maintenant tout le monde veut parler anglais avec les étrangers. Mais voilà. Et… persévérez. Quand vous… quand ils vous parlent en anglais, reparlez… reparlez en français. Ils vont comprendre au bout d’un moment que vous voulez pratiquer et c’est toujours apprécié. C’est toujours, toujours apprécié.
Jessica : Super !
Ludovic : Et si je peux en ajouter un deuxième…
Jessica : Bien sûr !
Ludovic : C’était… si vous trouvez donc… comme j’ai parlé de ton podcast… mais c’est bien aussi si vous pouvez trouver… alors ça prend un peu de temps mais si vous… alors, moi un truc qui m’a beaucoup aidé dans le… dans l’apprentissage de mes langues, c’était… de trouver des… des… des médias ou des… donc des podcasts par exemple qui parlaient de choses qui m’intéressaient en général… dans la langue. Donc par exemple, moi qui suis… qui adore la musique, j’ai essayé de trouver, quand j’apprenais l’allemand, j’écoutais de la musique en allemand par exemple.
Jessica : Hm. Hm hm.
Ludovic : Ou alors j’allais sur des sites internet en allemand. Donc… il y avait le mélange de l’intérêt pour le sujet mais aussi ça me permettait de… me familiariser… c’était comme… on était… d’être exposé à… à des phrases, à des expressions par exemple et… à la grammaire et… ça permet de développer je trouve. Donc si par exemple, vous aimez le sport, essayez de trouver un… il y a plein d’émissions de radio de sport, sur les radios françaises donc… essayez d’écouter une émission sur le sport… même si c’est difficile au début. Ça viendra… ça viendra avec le temps. Donc voilà, c’était mes… mes petits conseils !
Jessica : Ouais. Ah super conseils, ouais ! Ouais. J’ai une étudiante[22] cette semaine qui m’a dit qu’elle avait regardé une vidéo sur Youtube qui parlait de… donc voilà Youtube c’est super pour ça, pour les petites vidéos, donc qui parlait de maquillage et de coiffure. Bon elle ne se maquille pas personnellement mais elle a dit : « oh, j’ai pensé que c’était… enfin souvent je regarde des thèmes assez variés juste pour pouvoir apprendre le vocabulaire ». J’ai trouvé ça super.
Ludovic : C’est super !
Jessica : Et donc c’est un petit peu ce que tu as dit, hm hm, hm hm. Pour conclure alors, quels seraient tes… tes projets pour l’avenir ?
Ludovic : Aahh… alors, mes projets pour l’avenir. Alors ce qui est… quand on est prof de Français Langue Etrangère parfois, c’est difficile de penser à un avenir lointain parce que…
Jessica : C’est vrai.
Ludovic : Comme on est souvent appelés à voyager ou on a toujours… on est beaucoup… j’imagine… enfin j’ai découvert qu’on est une… une communauté de… de grands voyageurs en général donc… l’en… l’envie de bouger se fait au bout de quatre, cinq ans. Mais… j’ai envie de rester en Suède. Là, pour le moment, je me plais beaucoup… j’ai… un boulot super, une vie sociale super aussi. Je vis dans Stockholm, qu’est[23] une ville absolument fantastique. Venez à Stockholm d’ailleurs ! Je… j’encourage les gens. Il… il fait pas si froid que ça. Venez l’été surtout. Parce que l’été, il fait très très beau, il fait… c’est vraiment une ville très très agréable. Et il fait 25 (vingt-cinq), 26 (vingt-six) degrés aussi donc… n’ayez pas de peur de… de venir à Stockholm. Mais voilà les projets c’est…
Jessica : Oh je pense que t’as donné envie là, avec tes cours gratuits de suédois etc. Ouais.
Ludovic : Oui, enfin bon ça, c’est quand tu t’installes ! Après vous pouvez venir aussi pour une semaine (rires).
Jessica : Oui. D’accord.
Ludovic : Si les gens veulent… s’intéressent pour… venir en tant que touriste, voilà ils peuvent toujours… j’encourage vraiment… c’est vraiment une… une très très belle ville. Et…
Jessica : Hm hm.
Ludovic : Donc voilà. Donc la Suède pour le moment. Après… on verra comment les choses évoluent. Je… je fais pas trop de… de plans sur la comète[24] pour le moment. Mais c’est… je me plais beaucoup.
Jessica : Où le vent te portera. Ouais.
Ludovic : Totalement.
Jessica : Super ! Bon eh bien alors pour French Voices, nous allons conclure ici. Nous, on peut… on peut recon/reprendre… ou continuer plutôt notre conversation hors microphone mais en tous cas, un grand grand merci d’avoir partagé ton… ton histoire avec… avec nous.
Ludovic : Merci à toi !
Jessica : Et… ouais de rien. Je te dis… je te dis à tout de suite Ludo !
Ludovic : A plus tard ! Au revoir !
Jessica : Bye. Comment on dit au revoir en suédois ?
Ludovic : Adjö !
Jessica : Adjö !