Marie Treps, Linguist and Author of “Oh là là, ces Français!” (PART 2)
PART 1
[…]
Jessica : Hm hm. Hm hm. Super. Alors, justement donc on va… donc s’intéresser aux… aux mots et à l’étranger. Dans Oh là là… Oh là là les Français ! donc…
Marie : Oh là là ces Français !
Jessica : Avec le sous-titre Du pire au meilleur… oui ?… comment le monde parle de nous…
Marie : Voilà.
Jessica : Vous vous intéressez à comment les mots… des mots français ou des mots comme… French kiss ou French bath, donc des mots qui rappellent la France…
Marie : Voilà.
Jessica : Sont utilisés dans les… dans les pays étrangers et quelle image ils véhiculent de la France et des Français. Alors, je sais pas si vous voulez développer un peu comment vous est venue l’idée de faire ce livre ou si on passe directement à des… à des exemples de mots, peut-être également.
Marie : On peut passer à des exemples. C’est-à-dire mon… c’est le chemin depuis Les Mots Voyageurs, ensuite j’ai fait un livre sur les mots franç… étrang… français qui sont partis en Europe. Et ça m’a… l’aboutissement, c’est le Oh là là ces Français qui, effectivement, parle des mots et des expressions françaises qui se sont implantés dans le monde. En Europe d’abord parce que ça a commencé en Europe aux XVIIIe siècle. XVIIe, XVIIIe[1] siècles. Et ça continue aujourd’hui. On les retrouve au Japon, et on les retrouve en Amérique du Sud, on les retrouve… dans beaucoup de pays, dans beaucoup de régions du monde, hein.
Jessica : Hm hm. On pourrait dire dans le monde entier, peut-être non ?
Marie : On pourrait dire dans le monde entier, oui.
Jessica : Ouais.
Marie : Avec des… des endroits où ils sont plus représentés. Et… alors c’est aussi un livre d’histoire en fait. C’est un livre d’histoire de l’implantation du français dans les langues d’Europe. Est-ce que… les mots tombent pas du ciel comme ça pour s’abriter au chaud dans les dictionnaires hein. Ils ont des ambassadeurs. Et tout ce livre est une histoire de… de l’influence de la langue française. Et les Français ont fait beaucoup parler d’eux. Ce qui fait que… à travers tous ces… ces mots, on devine une… ces mots mettent en scène les Français en quelque sorte et… et expriment l’opinion qu’on a d’eux de par le monde. Alors, le portrait est très contrasté. Par exemple, il y a des… des choses… quand je rencontre des étrangers, je leur dis : « Quel est le mot français qui… qui vous vient à l’esprit ? Est-ce qu’il y a des mots français dans votre langue ? ». « Ah oui, oui, oui, oui », me dit-on la plupart du temps. Et lesquels ? Alors par exemple, une Finlandaise me dit : « Ah oui, oui : force majeure ». Force majeure, c’est un terme de Droit[2].
Jessica : Ah oui, c’est pas le plus courant hein !
Marie : C’est pas très courant. Mais j’ai creusé la question, pourquoi force majeure ? Eh bien, parce que Napoléon, il a laissé des souvenirs… pas forcément des souvenirs très agréables partout en Europe.
Jessica : Ah oui !
Marie : Et dans les choses positives, c’est le Code Civil. Aujourd’hui dans les ambassades d’une bonne partie du monde, on emploie des mots… des expressions françaises. Bah déjà ambassadeur, consul, lettre de créance… tous ces termes-là sont des termes français. Ailleurs, en Hongrie, une jeune femme, que j’ai interrogée, qui avait une vingtaine d’années, une étudiante, me dit : « Ah oui, oui, on a le mot réticule ». Alors réticule…
Jessica : Qu’est-ce que c’est ?!
Marie : C’est un petit sac que les femmes, les dames emmenaient[3] au bal… très courant au XIXe siècle. XVIIIe aussi. Un petit sac où elles mettaient leur carnet de bal, c’est-à-dire le nom des danseurs à qui elles avaient promis une danse et puis des sels au cas où elles seraient tombées dans les pommes[4] peut-être. Et je rencontre ce mot-là en Hongrie, il est en russe. Les Russes disent « riticule »… Je sais pas comment on prononce ce mot en russe. Est-ce qu’ils font un… un jeu de mot avec « ridicule » parce que c’est un sac tout petit, je ne suis pas sûre. Je pense que il existe encore. Et ces mots-là… ça c’est un exemple des mots qui sont arrivés au XIXe siècle par la littérature. Dans les bibliothèques russes et dans les bibliothèques d’Europe Centrale, d’Europe de… des Balkans aussi. Il y avait des ouvrages écrits en français, par les Français. Au XIXe siècle, c’est la bourgeoisie, au siècle précédent, en Russie comme en Europe du Nord, ce sont les princes et ce sont les aristocrates, hein par exemple.
Jessica : Ouais. Ouais, ouais.
Marie : Et il y a pas mal de mots qui sont arrivés… dès le XVIIe siècle… des termes… des termes vestimentaires. Par exemple les desserts français surtout des… sont plutôt XVIIIe. Le chou… le chou à la crème… le baba au rhum, je l’ai retrouvé en… en Italie à Naples, il y a pas très longtemps. Les Japonais emploient le mot… le prononcent pas chou mais ont utilisé le mot chou. Tous les desserts sont… se disent et s’écrivent en français un peu partout dans le monde.
Jessica : Donc la mode, la gastronomie, ça ce sont des termes qui sont donc exportés.
Marie : Pour donner des exemples : le déshabillé et le négligé. Qui sont des vêtements féminins. Déshabillé, c’est une sorte de vêtement qu’on met le soir pour être à l’aise ou… ou pour être jolie en même temps. Le négligé, c’est un vêtement aussi qu’on met… mais qui est quand même joli, mais qu’on met avant de s’habiller vraiment, vous savez.
Jessica : Hm hm.
Marie : C’est pas vraiment une robe de chambre. Je les ai retrouvés partout en Europe.
Jessica : Ah oui ! Donc ça, ça véhicule l’image un peu de… de la femme glamour.
Marie : Glamour et sexy. Par exemple, les Polonais…
Jessica : Et sexy.
Marie : Ont vu… alors quelquefois, les… les voies de pénétration des mots français sont très étonnantes…. Ont vu un film dont l’héroïne était Brigitte Bardot, qui s’appelle Et Dieu créa la femme… Qui est un film où il y a une image très érotique de… de la femme française donc. Et les Slaves qui… vous le savez puisque vous parlez russe… aiment beaucoup les diminutifs… lui ont inventé un diminutif, ils l’appellent Bardotka, la « petite Bardot » en quelque sorte. Et bardotka, c’est aussi un soutien-gorge pigeonnant[5], c’est un soutien-gorge qui fait une jolie poitrine.
Jessica : Hm hm, hm hm.
Marie : Par un procédé linguistique qui est très connu, c’est la métonymie. C’est-à-dire au lieu de désigner… pour désigner une personne, on emploie une partie d’elle-même. Une partie appétissante en l’occurrence.
Jessica : Ah, oui d’accord. Ouais, alors ça c’est plutôt une image positive.
Marie : Une image positive.
Jessica : Oui.
Marie : Il y a des images… par exemple, pour rester dans le… dans le domaine de la toilette et de la coquetterie, les Anglo-américains ont une expression qui est le french bath, c’est-à-dire le bain français. Ou le… quelquefois, on me l’a traduit par douche française. Qu’est-ce que c’est ? C’est peu d’eau, beaucoup de parfum. C’est-à-dire que les… les Français auraient la réputation d’être sales.
Jessica : Et de ne pas se laver. Et je l’ai entendu ouais, ouais. Hm hm.
Marie : Oui, il y a plein d’anecdotes à ce sujet. Et je me demande si c’est pas, historiquement, un souvenir subliminal de… du XVIIIe siècle de la Cour de Versailles… où les… les fars, les poudres, les perruques, les parfums cachaient des choses peu appétissantes et malodorantes.
Jessica : Oui parce qu’ils ne se lavaient je crois une fois par an.
Marie : Alors ça c’est…
Jessica : Enfin, j’ai entendu… ouais.
Marie : Je pense que… il y avait une… Versailles était un endroit… oui, où l’hygiène… bah il y avait pas les toilettes qu’on a aujourd’hui hein. Il y avait ce qu’on appelait la garde-robe. C’est-à-dire… c’était des… des toilettes portatives, c’était un seau quoi qui… voilà.
Jessica : Ouais.
Marie : Et la garde-robe a donné son nom à la garde-robe, l’endroit où on range les vêtements. Et ce mot garde-robe justement, l’endroit où on range les vêtements, aujourd’hui, on l’a… c’est dommage, je trouve que c’était joli… on dit dressing, voilà c’est le mot anglais qui a pris le pas. Mais le mot garde-robe a beaucoup voyagé en Europe. C’est un exemple du… du mobilier qui a voyagé… et désigne non seulement un endroit où on range les vêtements, mais je l’ai vu en Suisse dans un théâtre ou dans un endroit où on fait des conférences qui… c’est comme ça que je l’ai rencontré ce mot.
Jessica : Oui.
Marie : Garde-robe, c’est le… la… je sais pas comment on dit aujourd’hui dans les théâtres…
Jessica : Le vestiaire ?
Marie : Vestiaire, c’est exactement ça, le vestiaire. C’est le vestiaire. Et garde-robe, je l’ai trouvé aussi en garderob en… en Rouma… pas en Roumanie, en Bulgarie, qui est une langue slave aussi. La garde-robe, c’est encore une image ça. C’est une… un costaud qui… un gars costaud, bien bâti, qui monte la garde devant une banque ou devant un endroit sensible. Pourquoi c’est l’image ? En français, quand quelqu’un est… comme ça, est bien bâti, un garçon…
Jessica : Massif.
Marie : On dit que c’est une armoire à glace[6].
Jessica : Oui, c’est ce que j’allais dire ouais.
Marie : Voilà. Alors, garde-robe, c’est la garde-robe, le vestiaire qui… a été utilisé par les Bulgares, qui ont de l’humour, pour désigner… le mot français donc… pour désigner un… quelqu’un qui… un vigile devant une… un endroit voilà, où il faut filtrer un petit peu.
Jessica : Voilà, donc nous on dit armoire à glaces et eux disent garde-robe. C’est ça, ouais ?
Marie : Voilà, ils disent garde-robe. Qui est un mot français. Pour ce qui est des… alors, j’ai trouvé le mot fauteuil en polonais, j’ai trouvé… en polonais, j’ai quelque chose… j’ai trouvé quelque chose qui est drôle, c’est versalga… Versailles. Bon pourquoi ?
Jessica : Ouais.
Marie : Et qu’est-ce que c’est ? C’est un lit qu’on déplie comme ça quand on a des invités, une sorte de… de lit de camp si vous voulez. Un lit improvisé.
Jessica : Hm hm. Un lit d’appoint.
Marie : Quel rapport avec Versailles ? J’ai pensé que soit ils avaient vu les… parce que les… Napoléon est resté assez longtemps et son armée est restée assez longtemps à Varsovie et peut-être ont-ils vu des… des…
Jessica : Ah !
Marie : Des scènes… déplier leurs lits. Mais aussi, pourquoi Versailles ? Parce que Versailles est un endroit tout à fait surpeuplé, peut-être que c’est une raison aussi d’expliquer les mauvaises odeurs… mais que les gens, les courtisans n’avaient pas chacun leurs appartements et… et même pas chacun leur chambre, donc le soir, on dépliait des lits comme ça dans les couloirs, les corridors du moins pour… pour caser tout le monde.
Jessica : Hm hm.
Marie : Tout ça, ce chemin-là subliminal des mots qui… qui est étonnant. Alors il y a une part d’interprétation… l’interprétation, disons, fait partie de mon travail, c’est sûr. Mais… voilà, ça m’a passionnée de faire tout ça. Alors pour… je pourrais vous donner encore d’autres exemples… ah oui, alors les… les… le mot blouse, qui est très curieux… vous savez, c’est un… qui a voyagé au XIXe siècle.
Jessica : Alors B-L-O-U-S-E ? Parce que je pensais au blues comme le jazz américain ou…
Marie : Ah voilà, non, le mot blouse, le vêtement, aujourd’hui en France, c’est soit une blouse de travail, par exemple les infirmières, les médecins internes portent des blouses hein ?
Jessica : Hm hm. Oui.
Marie : Mais c’était un vêtement très chic et c’est ce sens-là qui a voyagé en Europe. Et en Allemagne notamment, on a fabriqué deux expressions avec le mot blouse.
Jessica : Oui.
Marie : Que je vous traduis pour gagner du temps : « Elle a du beau dans sa blouse ». Alors… le mot blouse est le seul mot français dans l’expression quand les Allemands l’emploient. C’est-à-dire, elle a une belle poitrine. Ou : « Elle est une chaude blouse », c’est-à-dire que c’est une femme sensuelle, vous voyez ?
Jessica : Ah ouais ! Ouais, ouais, ouais.
Marie : Le mot a voyagé avec une espèce de… de couleur, pour ne pas dire de connotation, pour employer un terme plus simple… qui… qui parle de la sensualité de… des Français. De leur élégance.
Jessica : Et donc ici le… le mot blouse est associé à la poitrine en fait.
Marie : Ah bien sûr.
PART 2
Jessica : Hm hm. Alors une question à propos du… de votre… du titre de votre livre. Donc Oh là là ces Français ! Est-ce que vous trouvez… est-ce que vous avez… est-ce que « oh là là » vous semble vraiment français comme expression ? Parce que moi j’ai l’impression que c’est plutôt un… un cliché des étrangers qui nous mettent cette expression dans la bouche parce qu’on ne l’utilise pas tout le temps.
Marie : Non, non, non. On l’utilisait plus… on l’utilise pas énormément mais on l’utilise. Et je crois que les premiers étrangers, comme vous dites, qui se le sont approprié, c’est les Français. Oh là là ! Et ça c’est… Oh là là, ça… ils se le sont approprié, je crois, parce que ça désigne… derrière, il y a une attitude. Oh là là, qu’est-ce qu’on… c’est quand on… quelque chose vous paraît étonnant et qu’on veut faire partager son étonnement etc.
Jessica : Ouais, la surprise, le choc aussi.
Marie : Ouais, la surprise et le… le plaisir de raconter quelque chose de très étonnant.
Jessica : Hm hm.
Marie : Et les Français ont aussi cette réputation-là de… de… de parler, de… de s’extasier. En particulier de leur propre production peut-être voilà. Je pense qu’il y a tout ça derrière. Et pourquoi est-ce que je suis persuadée que aujourd’hui, ça passe encore pour quelque chose de spécifiquement français ? C’est que je l’ai trouvé en Chine, à Shanghai, qui est récemment, on va dire, chinois. A Shanghai, il y a un jeune Chinois, qui fait une émission télévisée, comme vous, voilà, vous faites des podcasts… et qui… qui voilà. L’idée est que… c’est tellement merveilleux d’avoir un ami français que dans cette heureuse per/perspective, eh bien, on va se préparer. Et moi… Chinois de Shanghai, je vais vous apprendre quelques mots et expressions françaises. Alors dans les mots que j’ai recueillis, il y a « téléphone », et puis « grille-pain » qui sont des objets de la vie quotidienne.
Jessica : Grille-pain?
Marie : Grille-pain.
Jessica : Ah grille-pain ! Hm hm.
Marie : Grille-pain et téléphone. Et puis des formules de politesse, et ça, ça… ça m’a pas surpris parce que… surprise… j’ai trouvé partout en Europe… bonjour, au revoir, merci, pardon, ce genre de choses. Et puis « oh là là ». Comme mot, alors là, très important à apprendre si on rencontre des Français, il faut pouvoir se servir du mot « oh là là ».
Jessica : Ouais, ouais. C’est ce qui me semble un petit peu art… pour moi, artificiel parce que je trouve que on le case[7] pas autant que ça. Je pense que les… les étrangers l’utilisent plus que nous, pensant avoir l’air français.
Marie : Oui. Mais ce qui est juste, c’est que… pour les Français… pour les étrangers, pardon, justement, c’est typiquement français.
Jessica : Oui, oui.
Marie : C’est pour ça que j’ai choisi ce… ce mot-là.
Jessica : Hm hm.
Marie : Cette référence-là. Au début, je devais l’appeler, c’était un titre de travail : Sacrés Froggies.
Jessica : Hm hm.
Marie : Et je… les Anglais paraît-il… les Anglais de… du Royaume-Uni l’emploient plus beaucoup. Ça ne dit pas grand-chose[8] sur les Français, à part que nous mangeons des grenouilles. Je trouvais pas que c’était représentatif de la richesse des mots qui sont dans le livre et de tout ce qu’il y a derrière ces mots-là. Et puis pour vous faire… raconter la petite histoire… je me suis dit, la personne qui va… la directrice artistique ne va quand même pas me mettre une grenouille sur la couverture.
Jessica : Ah !
Marie : Et bah si, c’est ce qu’elle a fait !
Jessica : Bah oui !
Marie : Et… et au lieu de la faire encore, comment dire… de l’humaniser, de lui mettre des choses qu’évoquent la France, bon un verre de vin rouge dans une main, de l’habiller élégamment… non, c’était une photo d’une grenouille… capturée sur internet.
Jessica : Donc c’était pas amusant, pas très travaillé en fait.
Marie : …Peinte en bleu, blanc, rouge. Donc je me suis dit : « oh là là, je ne veux pas de ça. Ça ne donne pas une bonne idée du livre » donc j’ai bataillé[9] pour obtenir autre chose. Et je trouve qu’il y a un très joli dessin maintenant. Et… et donc j’ai été conduite à changer le titre et c’est là que j’ai… Oh là là a été accepté. Oh là là ces Français !
Jessica : Hm hm, hm hm. Alors d’ailleurs quand vous… quand vous avez raconté l’histoire, vous avez dit… je me suis dit oh là là, il faut que je trouve… vous avez juste utilisé le mot justement.
Marie : J’ai pas fait exprès.
Jessica : Alors, le temps passe très… pardon ?
Marie : Mais c’est une chose qu’on emploie souvent même quand on est seul… Oh là là quand est-ce que je vais… je vais être en retard.
Jessica : Ouais.
Marie : Moi je l’emploie très souvent, hein. Mais c’est difficile à caser dans une conversation parce que… vis à vis des étrangers parce que c’est du registre familier quand même. C’est pas… c’est pas le registre très soutenu qu’on peut employer spontanément quand on est face à un étranger.
Jessica : Oui, c’est vrai.
Marie : C’est de l’ordre de l’intime encore. Ça, oh là là.
PART 3
Jessica : Alors, donc on avait… on va pas avoir le temps de repasser donc sur les mots voyageurs et les mots oiseaux mais c’est… comme vous l’avez expliqué et illustré un petit peu déjà, c’est… ce sont… donc ce sont des mots étrangers qui sont arrivés donc dans le… dans la langue française. Donc ça, si les auditeurs de French Voices sont intéressés, il y a toute votre… donc bibliographie donc sur le site internet[10], je mettrai dans les… dans les show notes. Donc si vous voulez découvrir un petit peu.
Marie : Il y a des interviews avec de… des médias français, des articles publiés aussi si… si ça les intéresse de lire.
Jessica : Oui, il y a d’autres liens vers des podcasts, des vidéos de… de Marie donc… Allez voir parce que vous pouvez vraiment développer donc ce côté apprendre plein de choses sur… sur la langue. J’ai vu que… alors, on va terminer dessus, donc depuis 2012, vous êtes membre de… dans une association de défense de la langue française. Et je me demandais, est-ce que vous imaginez que le français, et peut-être même l’anglais, qui sait face au chinois, se perdent… qu’il existe à terme une langue unique et également quel est votre… votre position sur le fait qu’il y ait une… une profusion de… de termes anglais ? Donc avec internet, avec la mondialisation, dans la langue française. Est-ce que c’est une inquiétude pour vous ou est-ce que c’est une évolution normale de la langue ?
Marie : Euh le propos de l’association Défense de la Langue Française, c’est vrai, c’est de quand même appeler les gens à… à être eux-mêmes… à prendre conscience que[11]… ben employer beaucoup de mots anglais ou en[12] employer peu, c’est un choix après tout. Ça n’a pas à nous être imposé comme ça l’est, c’est ça qui est… qui est désagréable. Mais en fait les gens se l’imposent soi-même[13]. Je crois que une langue unique, c’est impossible absolument à imaginer. Vous savez, les mots voyagent, c’est ce que je dis toujours. Les mots sont des oiseaux.
Jessica : Hm hm.
Marie : Il y a pas de frontières pour les mots. On l’adapte très facilement d’un gosier à l’autre, enfin relativement facilement. Mais, ce qui ne voyage pas, c’est… la grammaire. La grammaire, c’est la cage. C’est la cage qui fait que… c’est quelque chose de rigide. Qu’une langue ne peut pas… s’accommoder à une autre. C’est pour ça qu’on n’imagine pas une langue unique. Parce que en plus, le fait que… si on ne prend que les mots… sans avoir aucune… aucun lien entre les mots, c’est-à-dire en l’absence de toute grammaire, on ne peut pas aller très loin. Bon, on fait un espéranto.
Jessica : Hm hm.
Marie : C’est-à-dire, bon on peut faire un vocabulaire minimum, on peut échanger des mots mais on ne peut pas échanger des idées très compliquées ni très subtiles. On ne peut pas non plus… une langue ne pourrait pas évoluer au fil de l’histoire s’il y avait pas une grammaire. Elle ne pourrait pas… si on ne faisait qu’ajouter un mot plus un mot plus un mot plus un autre, on n’aurait pas une langue très subtile à la fin, ce serait impossible.
Jessica : Et la grammaire est le reflet d’un… d’un système de pensées.
Marie : Bien sûr.
Jessica : Qui… qui est flagrant. Bon quand on étudie plusieurs langues, oui, oui.
Marie : Oui. Sans… sans grammaire, on ne pense pas. Sans… on ne peut pas aller très loin dans la pensée. Évidemment.
Jessica : Hm hm.
Marie : Alors, j’ai déjà eu des débats avec des… ça fait hurler les… les… chaque chose a sa place. L’espéranto, c’est magnifique, c’était considéré au départ comme un… quand ça a été inventé en… je sais plus si c’est en Pologne ou en Allemagne. Je crois que c’est en Pologne en fait… par quelqu’un qui pensait que ça allait être un… un instrument de paix. Bon il y a eu deux guerres mondiales.
Jessica : C’était… la tour de Babel, une bonne intention derrière.
Marie : Voilà, voilà. Mais… et une seule langue pour le monde entier. C’est impossible. Une seule langue en Europe, ben non, c’est pas souhaitable non plus.
Jessica : Hm hm.
Marie : Alors il y a des linguistes qui disent que… le… le latin qui avait colonisé quand même une partie de l’actuelle Europe… c’est-à-dire ben le latin… qui a donné l’italien, qui a donné l’espagnol, qui a donné le français et…le portugais. Et puis ce que j’appelle les cousines germaines en faisant un jeu de mots[14], c’est-à-dire le… l’anglais et l’allemand viennent… en grande partie aussi du… enfin ont un fond latin, hein.
Jessica : Hm hm.
Marie : Et le latin a disparu. Alors, certains pensent qu’il a été victime de son succès parce qu’en fait, il a été adapté, acclimaté par chaque langue. Bah il s’est éloigné du latin originel. Et que le latin originel, ben du coup, il n’a plus été parlé.
Jessica : Hm hm. Hm hm. Bon donc ça ne vous inquiète pas, alors.
Marie : Pas du tout mais je trouve que… enfin, j’insiste sur le fait de… sur la responsabilité de chacun de veiller à… de… quand c’est une question… enfin on a toujours le choix de… d’emprunter plus ou moins une langue étrangère. C’est le reflet d’une fascination, c’est normal. Si au XVIIIe siècle, l’Europe du Nord, puis la Russie, puis etc.… l’Italie, l’Europe Centrale à la fin du compte, les élites parlaient français. On l’a pas imposé le français. On est venu le chercher. De même que nous, on nous a pas imposé l’anglais. C’est le XIXe siècle, le XXe siècle pardon, avec… un pays qui était culturellement dominant et économiquement dominant, au XVIIIe siècle, il a imposé sa langue naturellement.
Jessica : Hm hm.
Marie : Après c’est devenu uniquement un pays qui était économiquement dominant, c’est ce qui se passe aujourd’hui. Alors, le chinois ça me paraît impossible puisque c’est une langue très difficile. En revanche, je pourrais vous dire que à l’université de Pékin, il y a une chaire d’espéranto.
Jessica : Ah bon ?
Marie : Parce que les Chinois sont pragmatiques et que pour faire du commerce, ben l’espéranto, c’est pas mal du tout. Alors il s’agit de… faire avec une langue unique.
Jessica : Alors ça… je pense pas que l’espéranto soit[15] parlé dans la langue du commerce, mais peut-être ça peut leur donner des… des notions de grammaire, d’une grammaire différente en fait.
Marie : Ce que je veux dire, s’il s’agit d’échanger des produits, de parler des choses simples… je parle pas de la langue du commerce très sophistiquée mais je parle de… de… d’établir voilà, on va pas parler de langue du commerce… mais d’établir une relation basique. Une relation simple, assez fruste avec des… avec l’Europe. Vu du point de vue chinois… au lieu d’apprendre cinq ou six langues, on apprend l’espéranto et ça permet allez hop, de… de commencer une communication très simple. Comme on le fait entre étrangers quand on ne parle pas la même langue. On parle une sorte de… de petit nègre, de petit anglais. Voilà. Hein, en employant des mots anglais parce que voilà, c’est simple, on en connaît quelques-uns.
Jessica : Hm. Alors, ça c’est passionnant et il y aurait encore… pardon !
Marie : Que l’anglais deviendra un esp… un simple espéranto.
Jessica : Eh oui. Alors, il faudra se donner rendez-vous dans 200 ans pour faire le point sur la façon dont toutes ces langues ont évolué.
Marie : D’accord.
Jessica : D’accord ? Mais il y a encore tellement de choses à dire sur… sur les mots et sur les langues, c’est inépuisable. Malheureusement, le temps est compté. Mais par contre, donc je vous invite vraiment à lire les… les parutions de… de Marie Treps, à aller sur son… sur son site internet. Donc je mettrai tout dans les show notes et vous pouvez continuer à découvrir la langue par ce biais. Je vous remercie beaucoup beaucoup Marie pour… pour votre temps et pour avoir partagé vos… vos histoires et les histoires des mots aujourd’hui.
Marie : Non mais merci à vous et… et je sais pas… je suis touchée de savoir qu’il y a un tas de gens qui… qui apprennent le français de par le monde, qui… ce que j’ai vu moi-même en voyageant. Et j’ai vu aussi à l’étranger, des jeunes gens qui parlaient un très joli français.
Jessica : Hm hm.
Marie : Un peu différent du nôtre. Quelquefois un français un peu désuet par rapport au… au français que nous parlons aujourd’hui en France, mais un français qu’on… qu’on ne… que moi j’aurais envie de… de cultiver parce que… parce qu’il est joli.
Jessica : Ouais. Bah c’est très bien parce que peut-être que ça va déculpabiliser certains auditeurs qui… peut-être ont peur de parler français ou qui apprennent avec des… des livres, oui, un peu… un peu vieillis. Mais nous on trouve ça vraiment mignon, adorable et aussi on apprécie beaucoup l’effort, et la motivation et la passion que… donc tous ces francophiles ont pour… pour notre langue française.
Marie : Bah merci à vous tous alors !