Part 1 – Pol Corvez, photographer-teacher-sailor-writer all in one!
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PART 1
Jessica : Bonsoir Pol ! Et ou plutôt bonjour et bienvenue sur French Voices.
Pol : Merci Jessica ! Oui, bonjour à toi aussi.
Jessica : Alors, tout d’abord, une petite question pour satisfaire ma curiosité, ton prénom s’orthographie Pol P-O-L, et je me demandais si c’était une spécificité d’une région française ou si tu avais un… un nom d’origine étrangère. Parce que c’est une orthographe assez atypique.
Pol : Alors, c’est toute une histoire parce que c’est… P-O-L, c’est le… c’est l’orthographe bretonne, une des orthographes bretonnes du prénom Paul.
Jessica : Ah, d’accord.
Pol : Voilà. Et mon nom « Corvez », en fait, vient du… du gallois. Mes ancêtres étaient au Pays de Galle, ils ont été chassés par les Anglais, les maudits[1] Anglais entre le… entre le IVème et le VIème siècle.
Jessica : Oh bah j’ai bien fait de poser la question ! Parce que… ouais.
Pol : Oui. Et ils sont arrivés… donc c’était les premiers… enfin parmi les premiers « boat people »… et ils sont arrivés en Bretagne, dans un petit coin de la Bretagne en… avant que la Bretagne ne fasse partie de la France. Et ils se sont installés là et ils ont fait souche. Ils se sont mariés, ils ont eu des enfants et… donc je suis né à 20 kilomètres d’où mes ancêtres sont arrivés. Ils ont mis à peu près… ils ont fait à peu près un kilomètre par siècle.
Jessica : Ah ouah ! Oui, donc vous êtes toujours restés dans la région, toute la famille.
Pol : Oui, enfin sauf… enfin une partie de la famille, et maintenant je ne suis plus en Bretagne puisque je suis dans le Val de Loire. Voilà.
Jessica : Hm hm . D’accord. Mais toujours breton dans l’âme ?
Pol : Ah complètement ! Complètement, complètement. Bien sûr !
Jessica : Oui parce que les Bretons ont un sentiment identitaire très fort.
Pol : Très fort…
Jessica : Ouais, ouais. Alors, est-ce que tu pourrais… oui, tu voulais ajouter quelque chose ?
Pol : Oui. Je dirais que le… le sentiment identitaire est très très fort en Bretagne parce que c’était une… une nation à part, disons, de la France. Qui a été on peut dire colonisée par la France à partir du… du XVème[2]… de la fin du XVème siècle. Les Bretons parlaient leur langue qui était le breton. Et c’est une langue qui a été supprimée par la France, interdite par la France à partir du XIXème, jusqu’à la moitié du XXème siècle. Donc il y a une forte identité bretonne et assez revendicatrice à cause précisément de ces problèmes linguistiques.
Jessica : Oui. Oui, on en avait parlé dans l’épisode, donc je mettrai le… le lien pour les auditeurs… dans l’épisode avec Cédric de Pop Up Crêpes[3] qui venait de Bretagne. Et on disait que la langue bretonne, c’était pas du tout une variété régionale… donc du français tel qu’on le connaît. C’est pas juste un accent différent, c’est carrément des mots… c’est une langue différente.
Pol : C’est une langue différente avec… bah tout ce qui caractérise… tout ce qui caractérise une langue puisque… les… les quatre[4]… disons les quatre principes qui… qui gouvernent une langue, c’est la phonologie, donc les sons…
Jessica : Hm hm.
Pol : La morphologie, donc la forme… la forme des mots. La syntaxe, donc l’ordonnancement des mots dans une phrase.
Jessica : Ouais, ce qu’on dit… on appelle ça plus ou moins la grammaire, par raccourci.
Pol : Oui, mais la grammaire c’est… la grammaire comprend la morphologie et la syntaxe. Voilà, traditionnellement.
Jessica : Oui, hm hm. Ouais.
Pol : Et donc, et il reste évidemment la sémantique, donc tout le lexique etc. Voilà. Donc, ce qui fait la différence… pour les linguistes, ce qui fait la différence entre une langue et un dialecte, c’est que, entre les langues, on ne se comprend[5] pas.
Jessica : Ouais.
Pol : Alors que pour les dialectes, c’est toujours… il s’agit toujours de variétés d’une langue… de variétés locales d’une langue… que l’on arrive à comprendre, que les autres locuteurs arrivent à comprendre. Moi je comprends par exemple le dialecte de Marseille, ou bien le dialecte de… ou le dialecte de Paris. On peut dire que le parisien est un dialecte du français. Ou le dialecte de Lille par exemple. Mais je ne comprends pas l’occitan, ou je ne comprends pas le picard, par exemple. Ou l’alsacien, voilà.
Jessica : Oui, ouais, ouais. Donc le picard pour information, donc c’est une langue qui est parlée dans le Nord de la France. La région s’appelle la Picardie, voilà.
Pol : La Picardie, oui.
Jessica : Et l’occitan, c’est plutôt dans le… dans le sud pour le coup !
Pol : Dans le sud, voilà. C’était la langue d’oc. « Oc », dans le… dans les temps anciens, ça voulait dire « oui » et pour le nord, c’était « oïl » qui voulait dire « oui ». Donc langue d’oïl et langue d’oc. Voilà.
Jessica : Oui, on voit souvent ça dans les… définitions pour les mots croisés.
Pol : Oui ! Oui, bien sûr. Bien sûr. Bien sûr.
Jessica : Donc ça c’est très intéressant. J’essaierai un jour de faire un épisode donc sur une… une personne peut-être qui enseigne le breton ou quelque chose… sur la langue bretonne pour développer ça un petit peu.
PART 2
Pol : Donc toi, bon tu es d’origine bretonne… est-ce que tu pourrais… alors brièvement, parce qu’on va revenir sur certains points, retracer un petit peu ta carrière ? Parce que tu as fait énormément de… de choses ?
Pol : Oui, j’ai eu… au moins sept vies je crois. Comme un chat !
Jessica : Comme les chats. Je crois qu’ils en ont neuf, les chats. T’as[6] encore… deux essais !
Pol : Oui alors bon… Je ne suis pas… je ne suis pas encore mort, voilà, c’est ça.
Jessica : Oui.
Pol : Alors, donc je suis né en Bretagne, près de Morlaix. Morlaix, c’est une petite ville près de la côte… sur la côte bretonne. Je suis né dans un… un petit village que personne ne connaît mis à part[7] ceux qui s’intéressent à l’architecture[8] puisqu’il y a une très belle église, un très beau calvaire. Donc un très bel[9] ensemble architectural, qui date de… du XVIème siècle, 1544 exactement. Et il y a aussi une autre… une autre chose remarquable dans ce petit village, c’est que… il… il a donné naissance, enfin il a… il y a quelqu’un qui est né dans ce petit village en… en 1450 à peu près. Et qui a écrit le premier dictionnaire trilingue jamais publié au monde. Et c’est un dictionnaire qui s’appelait le Catholicon, c’est-à-dire « l’universel », et qui était un dictionnaire breton, latin, français.
Jessica : Ah oui, parce que le latin était encore parlé à cette époque ?
Pol : Bien sûr, bien sûr. Parce c’était un dictionnaire pour les… pour les clercs, donc pour les gens de l’église, si tu veux. Puisque les sermons à l’église se faisaient en latin, et ils commençaient… à ce moment-là, ils commençaient à se faire précisément, en breton, ou en français.
Jessica : Hm hm, d’accord.
Pol : Donc il fallait… il fallait un dictionnaire trilingue. Et c’est donc le premier… c’est ce qu’on appelle un incunable. Un incunable, c’est un livre qui a été publié avant le… avant 1500. Et celui-ci a été publié en 1499, donc un an avant.
Jessica : Ah, ah oui d’accord. Donc un peu plus et il s’appelait pas[10] un incunable.
Pol : Ah oui, c’est ça, il est limite, oui, oui tout à fait, tout à fait.
Jessica : Bon alors ce village qui vaut le détour historiquement parlant, il s’appelle comment ?
Pol : Oui, c’est ça ! Il s’appelle Plougonven, Plougonven. « Plou » en breton ça veut dire « le lieu de » ou « la paroisse » plutôt. La paroisse donc de Saint… Saint Conven, qui s’écrit C-O-N-V-E-N, voilà. Donc c’est un petit village que pas grand-monde ne connaît.
Jessica : D’accord, alors le « plou », c’est un petit peu comme le « bourg » anglais ?
Pol : C’est le « bourg ». Oui, c’est ça, c’est « borough » ou ça peut être… oui, c’est la paroisse, en fait. Oui, c’est vraiment « parish » en fait hein. Officiellement. Voilà.
Jessica : D’accord.
Pol : Ça veut dire qu’il y a avait une église, un prêtre etc. Et que c’était… aussi une… vraiment une entité en elle-même.
Jessica : Super. Très intéressant. Bon alors on n’a toujours pas quitté ton… ton village d’origine. Alors qu’est-ce que tu as fait ?
Pol : Alors, mon village d’origine, oh bah il y avait pas grand-chose de spécial, sauf que… c’était… moi je suis né en 1946, d’accord. Donc je suis un enfant de la Libération, puisque mon père est revenu d’Alsace[11] et l’Alsace était en Allemagne à l’époque.
Jessica : Ah oui.
Pol : Il était prisonnier en Allemagne, donc en Alsace. Et il est revenu, et neuf mois après je suis né. Voilà. Donc je suis un enfant de la Libération. Et ce qui était… ce qui était remarquable dans ce… dans ce petit village, c’est qu’il était très traditionnel, un village de paysans, il n’y avait pas d’industrie, aucune industrie, mais il y avait donc des… une partie de la population qui était catholique et une partie qui n’était pas catholique. Et c’était la guerre entre elles. Donc il y avait deux écoles.
Jessica : Ouais.
Pol : L’école publique, donc l’école d’état et ce qu’on appelait l’école libre, moi je préfère dire l’école privée, qui était… qui était tenue par des prêtres. Et… Il y avait donc… il y avait deux écoles, il y avait deux boucheries, il y avait deux cafés, il y avait deux magasins d’alimentation, il y avait… tout venait par deux, parce que ceux qui allaient à l’église n’allaient que dans les magasins qui étaient tenus par les… par les catholiques et…
Jessica : À l’intérieur du village, il y avait une telle discrimination ? Ah oui ??
Pol : Oui, bah oui, il y avait des… il y avait des bagarres. Les gens se… les gens, vraiment, se disputaient tout le temps et tout ça. Et on ne parlait[12] pas aux autres, c’était vraiment la ségrégation totale. C’était incroyable ! C’était incroyable.
Jessica : Oh ! Et c’était spécifique à ce village ou alors c’était….
Pol : Non, non. Ça a été… ça a été… en fait dans une bonne partie de la France. Peut-être surtout dans l’Ouest[13] de la France. Donc la Bretagne, la Vendée. Énormément la Vendée. Et il y a encore des problèmes de ce genre en Vendée par exemple. Alors qu’en Bretagne, il n’y a plus de problèmes maintenant.
Jessica : Hm hm. Ça paraît assez incroyable que les… les gens se tirent dans les pattes comme ça. Après la guerre en plus.
Pol : Ah bah oui, oui, oui, oui, oui, c’était incroyable. Et moi j’ai vécu cela, pendant mon enfance… on ne pouvait pas… on n’avait pas le droit de parler… moi, j’étais dans le… mes parents allant à l’église, et moi allant à l’église aussi, on n’avait pas le droit de parler aux enfants qui… qui étaient dans l’école… ce qu’on appelait l’école du… l’école du diable.
Jessica : Ah vous l’appeliez l’école du diable, carrément[14] !
Pol : Ah bah oui, carrément ! Oui, oui. Oui, oui, oui, il y avait pas de problème, c’était l’école du diable, donc on ne parlait pas aux enfants. Et dès qu’on pouvait se bagarrer avec eux, on se bagarrait avec eux. Par exemple, quand j’étais… quand j’étais enfant, bon avec les… avec les copains de l’école, on allait construire des petites cabanes dans les bois. Et si on trouvait une cabane construite par les autres élèves, par les élèves de l’école laïque, on… on mettait le feu quoi.
Jessica : Ah bon ! Vous n’étiez pas tendres hein.
Pol : Ah oui, mais c’était… c’était réciproque hein. C’était réciproque. C’était comme ça, voilà. C’était ridicule mais c’était comme ça. Et c’était une… je crois que ça été une tradition très très forte à un moment en France. Bon maintenant, ça s’est un petit peu calmé, heureusement. Je l’espère du moins.
Jessica : Bah moi j’ai jamais entendu parler de ça hein. Les conflits…
Pol : C’est vrai ?
Jessica : Non, bah non. Moi, je pense à l’Irlande, la République d’Irlande et à l’Irlande du Nord mais je pense pas à des discriminations religieuses en France, non.
Pol : Oh, bah si. Si, si, si. C’était… bien sûr. Il y a eu la même chose avec… dans le sud de la France. Entre les Huguenots et les Catholiques.
Jessica : Ah oui ! Bon bah alors ça c’était… bon j’ai lu La Reine Margot[15] par exemple, enfin ça parle du massacre de la Saint-Barthélémy.
Pol : Oui, bien sûr.
Jessica : Mais c’était il y a plusieurs siècles déjà.
Pol : Ça, c’était… c’était en 1683, les… le… toutes les histoires. Les dragonnades de… contre les Huguenots. Ça fait 300 ans.
Jessica : C’était exactement 300 ans avant ma naissance alors.
Pol : Voilà, voilà.
Jessica : Année pour année.
Pol : Oui, oui. Mais ça a existé très très fortement. Si tu… si tu interviewes des… des gens d’un certain âge, c’est très… c’est encore très présent chez eux.
PART 3
Jessica : D’accord. Bon. Alors, bon alors c’est pas pour parler de ton village breton qu’à l’origine je t’ai contacté. Pour la petite histoire, c’est donc ma transcriptrice, et je fais un grand grand bonjour à Sarah qui m’a mise en relation avec toi, disant : « Interviewe[16] Pol ».
Pol : Et moi aussi, et moi aussi, je lui fais un grand bonjour.
Jessica : Ouais. Bonjour Sarah !
Pol : Bonjour Sarah !
Jessica : Ouais. Et tu vas avoir du boulot parce qu’on va faire une longue interview là, ce soir. Elle m’a dit : « interviewe Pol parce que Pol est photographe professionnel ». Super ! J’adore la photographie[17] moi-même. Mais comme on va voir, il y a pas que la photographie hein, tu fais tellement de choses.
Pol : Attends, Jessica, je n’ai… je n’ai pas entendu ta dernière phrase.
Jessica : Ah, je disais que j’ai été mise en relation avec toi pour la photographie mais qu’en fait, j’ai découvert que il y avait beaucoup, beaucoup plus que… que ça. Tu as beaucoup de cordes à ton arc. Et on va essayer d’évoquer quelques-unes[18] de tes… de tes passions. Tu m’entends bien ?
Pol : Oui, je t’entends bien. Très bien.
Jessica : Alors, tu es photographe professionnel. Et tu l’as aussi enseignée. Allo ?
Pol : J’ai… j’ai été photographe professionnel. [INAUDIBLE]
Jessica : Stop ! Donc tu disais…
Pol : Oui, donc j’ai trouvé… enfin je ne me rappelle plus. On m’a donné un appareil, un vieil appareil photo quand j’avais 15 ans à peu près et j’ai commencé à prendre des photos pendant les… pendant mes vacances. Et… j’ai trouvé ça assez extraordinaire parce que c’était un appareil qui faisait des vues… des vues multiples si l’on n’avançait pas la pellicule. Et parfois j’oubliais d’avancer la pellicule donc j’avais des images doubles ou triples.
Jessica : Ah ! Ça superposait les photos.
Pol : Voilà, ça superposait les photos. Et j’ai trouvé ça un peu surréaliste. Même si à l’époque je ne connaissais pas le surréalisme. J’ai trouvé ça très très intéressant. Et puis… donc j’ai commencé vraiment à me… à m’intéresser à la photo. Et il y avait aussi quelque chose de… un autre intérêt qui était que lorsqu’on avait un appareil photo, on pouvait draguer les filles beaucoup plus facilement !
Jessica : Ah bon !
Pol : Ah oui ! Ah oui ! Parce qu’on pouvait leur demander de poser pour le… quand on était un peu photographe, est-ce que tu veux poser pour moi etc. ? Je veux faire ton portrait et ainsi de suite… Et donc… eh bien les demoiselles étaient très flattées parce qu’elles se… elles se pensaient déjà modèles etc. etc. Donc on arrivait vraiment… c’était un intérêt… un intérêt de… de drague aussi.
Jessica : Mais bon à l’époque, c’était forcément de l’argentique donc il fallait attendre des siècles pour avoir sa photo après !
Pol : Oui, bien sûr. Oh pas des siècles mais enfin bon une petite semaine quoi, une petite semaine. Oui, oui, oui. Mais justement, l’attente… l’attente faisait partie du plaisir aussi. Hein. Donc, c’est… je crois que c’est… c’est le… ce n’est plus le cas avec le… avec le numérique mais c’est… c’est quelque chose qui a disparu de la photo actuellement. Cette… cette attente.
Jessica : Oui. Oui, c’est vrai qu’on est dans un…
Pol : Oui, avec… avec l’argentique on parle de l’image latente, en un seul mot, hein l’image latente, eh bien, moi je l’écris aussi « l’image l’attente », L’A-T-T-E-N-T-E.
Jessica : Oui, du verbe « attendre » !
Pol : Oui du verbe… du verbe attendre et non pas de la latence. Et je trouve que c’est… en français c’est… c’est très bien cette… ce double sens que donne l’attente. Finalement.
Jessica : Oui, c’est un beau jeu de mots.
Pol : Oui, c’est un beau jeu de mots, oui, oui oui. C’est un beau jeu de mots.
Jessica : Et donc tu as voulu être photographe depuis tes 15 ans ?
Pol : Oh non… je voulais… non, pas nécessairement, je voulais pas être photographe professionnel mais je crois qu’à l’époque[19], à 15 ans. À 15 ans, à 15 ans, à 15 ans… oh je ne sais plus ce que je voulais être. Je ne sais pas si je voulais déjà être prof d’anglais. Parce que je crois que, à un moment, j’ai voulu être prof d’anglais, c’est la raison pour laquelle j’ai fait une licence d’anglais en fait.
Jessica : Ah ben comme moi !
Pol : Bah oui, voilà ! Et donc j’ai fait une licence d’anglais à l’université de Caen en Normandie. Tu vois, j’ai quitté ma Bretagne natale. Je suis allé à Caen[20], j’ai fait une licence. Et… en fait, j’ai continué à faire de la photo. C’était plus de la photo souvenir que je… que je faisais. C’est-à-dire que quand on partait en voyage ou quand on allait en… en tournée avec la chorale universitaire puisque je faisais partie de la chorale universitaire. Ou quand on faisait des… quand on avait des manifestations au club… au club d’anglais. J’ai été président du club d’anglais pendant un moment. Voilà, donc c’était un petit peu pour… un petit peu… plutôt du reportage que de la photo… que de la photo artistique hein. Voilà. Mais j’aimais beaucoup faire des portraits toujours.
Jessica : D’accord. Et donc aujourd’hui les portraits c’est un… c’est ton sujet de prédilection ou… quel domaine tu… ?
Pol : Euh non… non pas nécessairement. Je ne sais pas si j’ai un domaine de prédilection… Non je ne pense pas que j’aie un domaine de prédilection. J’aime… parce que on peut faire… on peut faire de la photo à partir de n’importe quoi ou n’importe qui hein. C’est… La photo, c’est finalement un objet ou un personnage… devant un objectif. Et finalement quand on… on peut très bien faire de la photo en… avec n’importe quoi et n’importe qui. Ça n’a… je crois que ça n’a pas grande importance. Je ne vais pas dire que je suis uniquement portraitiste ou que je fais uniquement des nus, ou bien du paysage, ou du… du street art par exemple comme on… comme on le dit actuellement etc. Donc je ne suis pas… je ne suis pas dans une seule… une seule pratique si tu veux. D’accord.
Jessica : Ouais, ouais. Hm hm. Je suis tout à fait d’accord quand tu dis qu’il n’y a pas donc une chose ou une… on peut faire des port/des photos de n’importe quoi et n’importe qui. Ça m’évoquait juste un souvenir qui était un petit peu enfoui. J’ai… donc j’ai vécu en Chine et j’y ai voyagé aussi. Et je me rappelle d’un village dans lequel je suis arrivée où j’étais… mais[21] la seule étrangère. Et donc tout le monde me regardait, et même j’avais des gens… des personnes âgées qui me suivaient. Et… donc je prenais des photos, je prenais des photos d’un seau, d’un panier qui était par terre, d’un… voilà, des… des objets qui étaient tellement des objets du quotidien pour eux que… après avoir pris la photo, ils voulaient absolument que je leur montre ce que j’avais pris. Et ils comprenaient pas pourquoi… ce qui pouvait y avoir d’intéressant dedans !
Pol : Oui, bien sûr.
Jessica : Mais c’était tellement artistique, un peu, avec la poussière…
Pol : Oui, oui, oui, oui, tout à fait. Tout à fait. Mais c’est vrai que ça étonne… ça étonne souvent les… les gens. Quand je prends des photos dans des endroits qui sont… qui n’ont aucun intérêt pour la plupart des gens. J’ai fait une série par exemple sur des… sur un chantier qui se trouvait dans un centre commercial, près de chez moi ici à… à Angers. Et… ce chantier était… était bâché de… de plastique, de feuilles de plastique. De plastique blanc translucide. Et en fait ce… ce plastique avait reçu quelques… quelques coups de couteaux, ou il y avait du scotch pour le… pour bien le tenir en place etc. Et je trouvais que ça faisait des… que ça faisait des paysages tout à fait inattendus et je me rappelle quand je prenais… quand je prenais des photos, j’étais là avec mon pied, donc l’appareil photo sur pied etc. pour avoir plus de contrôle… il y a des gens qui s’arrêtaient et qui me disaient… mais qu’est-ce que… qu’est-ce que vous prenez en photo quoi ? Quel est.. quel est l’intérêt de ce… de cette… de cette photo ? Et en fait ça donnait des paysages totalement abstraits. Voilà.
Jessica : Ils voyaient pas le potentiel.
Pol : Non, ils voyaient pas le potentiel. Bah je crois que c’est ça… je crois que c’est un des grands problèmes de… enfin de… des spectateurs en photographie. Ou des non photographes. Parce qu’ils se demandent… ils veulent du sensationnel, ou ils veulent quelque chose qui… qui… qui soit facilement reconnaissable etc. Alors que… ben ce n’est pas nécessairement ce qu’on veut faire. Parfois, on veut… on veut faire autre chose évidemment. Et je crois que dans… si tu… si tu regardes mon site[22], tu verras des séries qui sont… qui sont très abstraites en même temps, et qui sont… qui sont un petit peu étranges parce que personne… personne ne pense à prendre ce type de photos. Voilà.
Jessica : Ouais. Je mettrai le lien vers ton… vers ton site. Que les auditeurs puissent…
Pol : Oui, bien sûr. Oui, bien sûr.
[…]
(à suivre)