Sylvie Pelletier’s Fascination for Painting Human Beings
PART 1
Jessica : Sylvie Pelletier, bonjour et bienvenue sur French Voices ! Alors vous nous…
Sylvie : Bonjour Jessica !
Jessica : Bonjour du Canada, donc vous êtes à… à Montréal au Québec.
Sylvie : Oui.
Jessica : On avait déjà reçu, pardon, Serge, le… un virologiste qui… qui venait du… du Québec aussi. C’était l’épisode 19 de French Voices[1]. Et donc je m’adresse aux auditeurs de French Voices, vous allez peut-être entendre le joli accent chantant de Sylvie, voilà. Alors, Sylvie, vous êtes… nous allons essentiellement parler de votre art puisque vous êtes artiste peintre.
Sylvie : Hm hm. Exactement.
Jessica : Donc peut-être pour commencer et vous connaître un petit peu sous cet angle-là, est-ce que vous pourriez retracer un petit peu votre parcours. Donc, déjà à… à quel moment vous vous êtes rendue compte que vous vouliez devenir artiste et où et comment vous avez appris la peinture ?
Sylvie : D’accord. Bah moi depuis que je suis toute petite, j’ai toujours aimé dessiner. J’ai dessiné partout, tout le temps, dans mes cahiers scolaires[2], mes professeurs d’ailleurs trouvaient ça très comique (rires). Et c’est ça, j’ai… j’ai décidé que je voulais dessiner pour gagner ma vie, et j’ai suivi des cours en graphisme. Et toute ma vie, j’ai travaillé pendant 34 ans en graphisme dans un collège à Montréal. Et par la suite, tout en continuant toujours de… de dessiner et j’ai vraiment senti l’appel de vouloir m’exprimer par la peinture donc j’ai pris différentes formations pour me… me réapproprier les… les médiums, là, pour… pour travailler à la main, parce qu’en graphisme, maintenant, tout se fait par ordinateur donc on perd le contact manuel.
Jessica : Ah oui, vous étiez sur tablette.
Sylvie : Oui. Toujours, toujours.
Jessica : Mais c’était déjà de l’art libre ou alors vous travailliez sur un secteur spécifique ?
Sylvie : Euh… c’est de l’art libre. J’allais vraiment comme moi je… je me sentais, là mais… quand je travaillais à mon… à mon travail, c’était vraiment pas de l’art libre, c’était du graphisme pour faire la promotion d’un collège et tout ça. C’était de la publicité comme telle. Mais…
Jessica : Ah d’accord.
Sylvie : À l’extérieur de ça, c’était de l’art libre, là. J’ai… j’ai pris différentes formations mais ma passion surtout c’est… c’est le modèle vivant. Je fais énormément d’ateliers libres de modèles vivants et à partir de ça, j’ébauche mes… mes toiles, je fais particulièrement du nu mais je trai/je traite en particulier de… de l’être humain. C’est ce qui me passionne. C’est ce qui m’inspire.
Jessica : De l’être humain ?
Sylvie : Oui, l’être humain, la… sa façon d’être, l’émotion qu’on peut… je sais pas comment…
Jessica : Ressentir…
Sylvie : Ressentir… c’est ça et l’émotion aussi que… que cet être humain-là nous donne. Et chaque être humain a sa particularité, sa forme. Et j’aime beaucoup les formes différentes des êtres humains. C’est-à-dire autant les vieux, les jeunes, les minces, les plus ronds, les beaux, les moins beaux. J’aime pas l’esthétique parfaite, j’aime l’être humain dans son ensemble.
Jessica : Bah oui c’est intéressant dans une… époque où en fait, le… l’apparence physique est très formatée donc par les… par les magazines etc. Donc ce qui vous intéresse, c’est toutes les imperfections et le caractère unique de… de chaque personne alors si je comprends bien.
Sylvie : Oui, exactement.
Jessica : Ouais, ouais.
Sylvie : C’est exactement ça, vous avez tout compris.
Jessica : Quand vous écriviez dans vos cahiers, quand vous dessiniez dans vos cahiers d’école, c’était déjà des figures humaines ?
Sylvie : Oui, oui. Je dessinais toujours des personnages humains et très rarement… le paysage ne m’inspire pas, je trouve ça magnifique ceux qui en font. Mais moi, ça ne m’inspire pas du tout, c’est vraiment l’être humain. J’étais toute petite et c’était que des personnages, tout le temps, tout le temps.
Jessica : Alors vous dessiniez vos professeurs ?
Sylvie : Non. Ça venait de ma tête, de mon imagination. J’inventais des gens, j’inventais des personnages. Ça pouvait être un peu bande dessinée, ça pouvait être plus près du portrait comme tel. C’est… c’était vraiment, ça sortait de ma tête, là. J’essayais pas de reproduire ce que je voyais comme tel. À part quand je suivais des formations de modèle vivant et tout ça là mais… ça sortait toujours de ma tête.
Jessica : D’accord. Alors, donc les auditeurs… forcément donc écoutent, ils ne peuvent pas voir vos… vos peintures. Est-ce que vous auriez une façon de décrire votre style ? Est-ce que d’ailleurs vous avez un style particulier ou votre peinture est assez mouvante dans votre façon de peindre les personnages ?
Sylvie : Bah je suis présentement en évolution, j’ai commencé… c’est surtout… je travaille à la spatule uniquement, pas de pinceaux, et je fais du modèle vivant avec des couleurs. Je trouve ça quand même assez contemporain. Je viens cerner le… le personnage souvent avec un… un crayon à l’huile et tout ça. C’est… c’est vraiment l’instant du moment, quand je fais une toile, c’est… elle est faite dans la même journée pour vraiment ressentir l’émotion de cette journée-là, de ce moment-là. Parce que le lendemain[3]… on peut pas retoucher[4] une toile, l’émotion est différente. Et quand je commence…
Jessica : Aah ! Donc il faut absolument la commencer et la finir le même jour !
Sylvie : C’est ma façon de faire en tout cas !
Jessica : Hm hm.
Sylvie : C’est ça, c’est ça. Et là présentement, je suis en train d’explorer des… des techniques mixtes plutôt et… et faire le… le dessin, ce qu’on appelle un peu le dessin à l’aveugle ici. C’est que j’observe un modèle et mes yeux sont sur le modèle et ma main sur le papier. Et je dessine.
Jessica : Aah !
Sylvie : Et on va chercher vraiment l’essentiel du personnage et je regarde peut-être la feuille 5 % du temps, pas plus, juste parfois pour me resituer sur l’espace là, mais c’est tout.
Jessica : Aah !
Sylvie : Mais j’adore cette technique, c’est vraiment… j’expérimente. Et ça, on le voit un peu sur mon site Facebook d‘artiste, sur ma page d’artiste Facebook.
Jessica : D’accord, que je mettrai dans le… donc les show notes de l’épisode ainsi que votre… donc adresse de site internet.
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Pour que… donc les auditeurs de French Voices puissent vraiment voir de leurs yeux, voir votre travail. Qui est d’ailleurs très… très coloré.
Sylvie : Oui ! Hm hm.
Jessica : En fait, avec des couleurs très vives, hum. Ça fait penser un peu, c’est à cheval entre… bah justement oui, les impressionnistes, dans le sens où j’ai trouvé que c’était pas donc du coup… très figé donc comme… enfin comme une photographie vraiment, et puis… la couleur me fait penser à des Matisse un petit peu.
Sylvie : Oui. Je suis très, très, très colorée. Pour moi, la couleur, c’est…
Jessica : Oui !
Sylvie : C’est primordial, c’est… il faut de la lumière, il faut du soleil. Même sur les quelques toiles que j’ai, un peu plus sombres, il y a toujours la lumière ou du soleil. Et la couleur, c’est… c’est très important pour moi.
Jessica : Hm. Et vous avez une couleur préférée ?
Sylvie : J’aime beaucoup les rouges. Les rouges, les orangés. D’ailleurs j’en utilise quand même passablement dans mes toiles. Les jaunes, rouges et orangés.
Jessica : D’accord, hm hm. Alors, vous dites que vous peignez à la spatule…
Sylvie : Ouais.
Jessica : Donc c’est quel type de peinture, c’est de l’acrylique ou…
Sylvie : La peinture à l’huile. Je fais de la pein/principalement de la peinture à l’huile. Parce que c’est… ça sèche moins rapidement que l’acrylique donc je peux la travailler plus facilement. Mélanger mes couleurs direct sur la toile aussi avec la spatule et tout ça. Tandis que l’acrylique, faut être vraiment plus rapide et ça sèche un peu trop vite à mon goût à moi, alors…
Jessica : D’accord. Donc ça sera une… opposition intéressante avec donc l’épisode 43[5] de… du podcast où donc c’est une autre artiste qui est intervenue. Émilie Heurtevent, qui elle fait donc de l’art abstrait…
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Et qui utilise l’acrylique. Donc si vous n’avez pas encore écouté, je vous invite à… à jeter un œil.
Sylvie : D’accord.
PART 2
Jessica : Donc c’est vraiment deux parcours et deux techniques… complètement différentes. Donc est-ce que vous avez, quand vous peignez, un… un rituel ou des… des habitudes à un moment de la journée précis, pour travailler, ou une musique ?
Sylvie : Ah ça, je mets toujours la musique. Dans mon bureau qui est juxtaposé à mon studio, je prends[6] la musique de façon aléatoire sur mon ordinateur. Et je la mets assez forte et je m’enferme dans mon atelier. Faut pas[7] me déranger, je peins.
Jessica : Hm hm.
Sylvie : J’en sors à un moment donné, tout simplement. Mais ça me prend absolument ma musique. Mais n’importe quelle musique, j’ai pas de musique en particulier, les genres… ça peut être du rock, du jazz, du classique, tout est mélangé.
Jessica : Et alors, la… le style de musique que vous écoutez au moment où vous peignez, est-ce qu’elle influence votre… peut-être votre geste ? Si vous écoutez du rock, est-ce que vous avez remarqué que vous peignez plus… peut-être rapidement ou agressivement ou pas spécialement ?
Sylvie : Pas spécialement parce que je la mets de façon aléatoire donc c’est… c’est jamais que de la musique rock. Je… je me promène dans les émotions et dans la musique en même temps.
Jessica : D’accord. Oui donc les émo/le mot « émotion » est un mot qui revient souvent chez vous, en fait.
Sylvie : Oui, oui je suis une émotion sur pattes[8] comme on dirait ici.
Jessica : Hm hm. Une émotion sur pattes.
Sylvie : Oui. Je suis très émotive.
Jessica : Vous avez… oui. Oui, bah c‘est souvent, je pense, un dénominateur commun chez les artistes en fait.
Sylvie : Hm hm.
Jessica : C’est peut-être même un besoin viscéral de… de s’exprimer ou de sortir une… une émotion. Vous… vous seriez d’accord avec ça ?
Sylvie : Oui. Oui, absolument.
Jessica : Ouais.
Sylvie : Parce que même quand je dessine ou je peins, il faut absolument que le sujet m’interpelle sinon je suis incapable de le reproduire ou d’en faire ne serait-ce qu’un exercice. Dans certaines formations que j’ai suivies, si le… le modèle ne me parle pas, c’est… c’est très difficile pour moi. Faut vraiment que j’aie un contact avec le modèle et… et parfois, ça s’établit pas. Dans des ateliers, il y a des modèles avec qui on a des contacts beaucoup plus facilement que d’autres.
Jessica : Donc, dans ce cas-là, vous… simplement, vous ne peignez pas la… la personne ou… vous… ou c’est juste le…
Sylvie : Disons que les dessins sont… sont moins bons, à ce moment-là.
Jessica : D’accord. Alors vous dites que vous peignez à la spatule, donc c’est le seul outil que vous utilisez ou il y a d’abord une esquisse ? Ou vous passez directement à… à la peinture ?
Sylvie : Non, ma façon de procéder, c’est que… bon, je fais beaucoup d’esquisses en atelier de modèles vivants. Après, je ramène, bon toutes ces esquisses-là à la maison. Et à partir du moment que je décide de… de faire une exposition, j’ai… j’ai un sujet dont je vais parler et bon je regarde mes esquisses et je… je vois lesquelles me… me plaisent ou me parlent pour interpréter tel sujet. Et après ça, je… je vais faire une petite ébauche couleur au pastel, rapidement, sur un petit papier ( ???) et après je m’en vais[9] sur toile. Quand je suis contente de… de ce que j’ai fait, je m’en vais sur toile.
Jessica : Ah, donc vous avez déjà une idée très précise du résultat final avant de commencer le travail sur toile ?
Sylvie : Relativement précise. C’est sûr que ça peut varier, différer de… de l’ébauche couleur un peu. Mais en règle générale, c’est quand même assez approchant. Ça doit être ma formation de graphiste qui m’amène à travailler comme ça. On planifie, on organise et… c’est… ça se reflète dans ma peinture aussi un peu.
Jessica : Alors, quand vous parlez des sujets des expositions que vous avez faites ou que vous préparez peut-être, est-ce que vous pourriez citer donc justement quelques-uns de ces thèmes autour desquels vous avez travaillés ?
Sylvie : Ben jusque-là, j’ai fait trois expositions, dont la première était sur le thème de la nature humaine, où je voulais justement parler du corps humain dans toutes ses formes, dans toutes ses diversités. C’était un peu comme ma manière de… de contrer la… la façon que les gens représentent la beauté dans les magazines et tout ça.
Jessica : Hm hm.
Sylvie : Et bon, j’ai montré différents corps humains. Et la deuxième exposition, c’était… à partir du corps humain, j’ai exprimé différents états de… de sentiments, comme la colère, le bonheur, le repli. Tout… toutes sortes d’émotions, parce que je vivais à ce moment-là une période pendant une année où ma mère a… obtenu un… un diagnostic de… de maladie d’Alzheimer. Et toutes les émotions qu’on a vécues pendant une année, tout ça jusqu’à l’acceptation et… et j’ai peint énormément dans cette année-là[10]. Et c’est un peu toutes ces émotions-là qui sont… c’est pour ça, j’ai appelé cette exposition-là : « Être dans tous ses états ».
Jessica : Hm hm.
Sylvie : Et la… la dernière que j’ai faite, l’an dernier, c’était : « 10 minutes dans la vie de quelqu’un ». Et c’était de… de croquer l’instant, d’observer les… les personnages dans la banalité de la vie. Chaque petit moment peut parfois être tellement important pour une personne. Et c’est des petites choses courantes. Tenir un bébé dans ses bras, être assis avec son grand-papa, une connexion avec son ami chien. C’est… c’est toutes sortes de petites choses mais pour les personnes individuellement, ce sont de grandes choses.
Jessica : Oui, c’est vrai que j’ai une… peinture qui me restait en tête, effectivement, de… de vos galeries et c’est celle de… voilà, c’était… je sais pas si c’était l’allaitement en particulier mais effectivement, le… le nourrisson dans… dans les bras de sa maman.
Sylvie : Hm hm.
Jessica : C’est peut-être un sentiment d’identification d’ailleurs…
Sylvie : Peut-être.
Jessica : Parce que c’est ce que je fais en ce moment. Mais c’est vrai qu’elle m’avait beaucoup parlé et j’ai trouvé que toute cette série était particulièrement, oui, très touchante, très délicate.
Sylvie : Oui, elle contient beaucoup d’amour d’enfants.
Jessica : Oui, exactement.
Sylvie : Énormément d’amour.
Jessica : Ouais, ouais. Ouais, ouais.
Sylvie : C‘est ça. Mais là, présentement, c’est ça, je travaille sur un autre projet probablement qui va aboutir dans une année. Où je travaille… il faut… je… je fais le portrait ou le dessin d’une personne… vraiment de façon réaliste. Soit au fusain, au pastel, ou à… ou encore à l’huile. Et après je refais le même portrait mais avec le dessin à l’aveugle. Et j’applique des techniques mixtes. Et je trouve ça vraiment intéressant de voir comme… le côté pile et le côté face d’un personnage.
Jessica : Hm d’accord. Oui, donc vous utilisez différents médiums aussi. Parce que vous avez mentionné le fusain…
Sylvie : Ouais.
Jessica : Ouais, d’accord.
Sylvie : Présentement, oui, j’utilise l’aquarelle, le fusain, le pastel. Je mélange tout, présentement. Pas juste l’huile. L’huile aussi mais, et autre chose.
Jessica : D’accord. Donc ça, c’est votre prochain projet en fait ?
Sylvie : Oui !
Jessica : D’accord.
PART 3
Jessica : Et alors, est-ce que vous avez des artistes de référence, qu’ils soient peintres ou… ou autre, qui vous… qui vous inspirent ?
Sylvie : Il y en a un que j’adore et d’ailleurs j’espère pouvoir aller voir sa galerie à Melbourne, c’est Paul Ruiz. Je sais pas si je prononce son nom correctement.
Jessica : Paul Ruiz ? Ah, non alors je connais pas…
Sylvie : Oui ! Il a une galerie à Melbourne, il est très connu.
Jessica : Ah d’accord !
Sylvie : Je le suis sur Facebook, il fait des personnages lui aussi, que des personnages. Il peint, je… je crois que c’est à l’huile mais il utilise différentes façons, le pinceau, la spatule. Mais il est vraiment, vraiment très… moi, il m’émeut énormément. Et il y a aussi un autre peintre que j’adore, c’est Modigliani.
Jessica : Ah oui, d’accord.
Sylvie : Qui lui aussi encore… bon c’est les personnages. Et dans sa façon d’interpréter, c’est… c’est réaliste mais en même temps, ça ne l’est pas. C’est que c’est… c’est très intéressant. Il capte l’essence même du personnage.
Jessica : Hm hm. Donc Paul Ruiz, c’est un… c’est un peintre contemporain qui…
Sylvie : Oui !
Jessica : Qui est toujours vivant ?
Sylvie : Oui, oui, oui, absolument, absolument, il est…
Jessica : D’accord.
Sylvie : Je crois qu’il a une galerie à Melbourne mais je me souviens plus exactement le nom de la rue, là, mais je l’ai cherché fortement pour aller voir sa galerie.
Jessica : Bon, bah moi aussi, je vais chercher et puis j’inclurai les… les liens. Oui, parce que vous allez venir visiter Melbourne prochainement d’ailleurs.
Sylvie : Oui ! Dans un mois et demi. Dans deux mois, je suis à Melbourne !
Jessica : Oui, alors du coup vous êtes peut-être déjà rentrée parce que l’interview sera pas… diffusée tout de suite… donc j’espère que vous avez fait un très bon voyage à Melbourne !
Sylvie : D’accord !
Jessica : D’ailleurs, on va se rencontrer donc on s’est rencontrées à l’heure où…
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Où vous nous écoutez.
Sylvie : D’accord. Ça va être… j’ai vraiment très hâte d’être là-bas.
Jessica : Bah, j’espère que donc vous pourrez… vous pourrez voir son travail. Peut-être même qu’on pourra aller visiter cette exposition ensemble ?
Sylvie : Oui, ça pourrait être intéressant d’aller voir… d’aller visiter sa galerie effectivement.
Jessica : Bon, bah allez, c’est un plan alors !
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Sur Melbourne, il y a aussi la NGV, donc la National Gallery, la Galerie Nationale de … de Victoria.
Sylvie : Oui.
Jessica : Que je… que je peux recommander à tout donc habitant du coin ou… visiteur de… de passage.
Sylvie : D’accord.
Jessica : Qui présente souvent des expositions qui sont… qui sont très… très intéressantes. Donc, voilà, avis aux amateurs d’art !
Sylvie : Ce sera marqué sur ma liste !
Jessica : Voilà ! Et puis ajoutez aussi d’aller voir l’art… l’art aborigène.
Sylvie : Oui.
Jessica : Donc… sur Federation Square. Alors, est-ce que le… le style abstrait est quelque chose qui… donc vous, vous ne… vous ne semblez pas le… le peindre.
Sylvie : Non.
Jessica : Mais est-ce que c’est quelque chose que vous… appréciez de regarder ou qui vous laisse de marbre[11] ?
Sylvie : Non, parfois, je peux être très… attirée par l’art abstrait aussi. Pas pour moi le peintre mais… il y a certaines… c’est la couleur et la forme qui… qui va m’attirer, va me plaire. Mais non, j’aime ça aussi l’art abstrait. J’aime un peu tout.
Jessica : D’accord. Quand on regarde votre site internet, j’ai vu que vous aviez fait quelques stages ou formations, il y en a un dont l’intitulé m’a interpellée, c’était : « Cours de dessin avec le cerveau droit ».
Sylvie : Oui.
Jessica : Euh… en quoi ça consistait ? Il y avait un… une théorie particulière derrière ce stage ou… ?
Sylvie : Euh oui absolument parce que quand on dessine, notre … et qu’on utilise notre cerveau droit, c’est… pour… on veut dessiner un personnage, c’est qu’on… on observe, on ne réfléchit pas en dessinant[12]. C’est… ce qu’on dessine, si c’est un œil, bah c’est pas un œil qu’on dessine, ce sont des formes, ce sont des courbes, ce sont des lignes. Et c’est…
Jessica : Hm hm.
Sylvie : À ce moment-là, le dessin est beaucoup plus libre parce qu’à partir du moment où on n’essaie pas de contrôler ce qu’on dessine, le dessin est beaucoup plus émotif.
Jessica : Hm hm. Ah oui.
Sylvie : Tandis que quand on dessine avec le cerveau gauche, on sait quand on fait ça parce qu’on commence à dire : « Voyons, il y a quelque chose qui cloche, c’est pas correct ». Quand on se met à analyser, c’est… c’est le cerveau gauche qui fonctionne. C’est que… c’était… j’ai trouvé ça très intéressant cette formation pour apprendre à dessiner avec le cerveau droit.
Jessica : D’accord donc en fait, c’est… un concept de rationnel, les proportions… le… est-ce que ça ressemble vraiment à la réalité contre le… donc le… le laisser-aller en fait.
Sylvie : Exactement, c’est dessiner ce qu’on observe sans se poser de questions sur la ligne, sur ce qu’elle représente.
Jessica : Hm hm, d’accord. Très bien.
PART 4
Jessica : Alors, donc vous êtes, vous parlez donc le… français québécois…
Sylvie : Hm hm.
Jessica : J’aimerais savoir si vous avez… alors, là, personnellement, j’ai trouvé donc votre accent très très clair, vous m’avez dit hors interview avoir fait un petit… enfin, vous ralentissez un petit peu consciemment. D’habitude vous parlez beaucoup plus vite, c’est ça ?
Sylvie : Oui.
Jessica : Oui.
Sylvie : Oui, et avec plus de… de contractions aussi quand on parle.
Jessica : Ah oui, d’accord, oui. Parce que là, oui, vous faites attention à votre… à votre « accent » entre guillemets, en fait.
Sylvie : C’est ça, je… je veux que tout le monde me comprenne.
Jessica : Hm hm. Et est-ce que vous avez en tête des exemples de… de mots qui vont être différents ou peut-être qui n’existent pas dans une langue ou dans l’autre, qui permettraient de… de comparer en fait le… le français, donc de France métropolitaine et celui du Québec ?
Sylvie : Euh… je… c’est surtout je crois au niveau de certaines expressions parce que bon, j’ai… j’ai déjà rencontré des amis en France et on se baladait[13] dans les rues et à un moment donné, je leur ai dit : « Oh, j’ai de la misère avec ça ». Nous, c’est une expression pour dire qu’on a de la difficulté avec quelque chose.
Jessica : Ah, j’ai de la misère !
Sylvie : J’ai de la misère, j’ai de la misère, ça c’est une expression. Ou « aller piquer une jasette » c’est… se rencontrer dans un bar ou un restaurant, aller prendre un café ou un verre et discuter, parler.
Jessica : C’est bavarder.
Sylvie : Oui, c’est ça, aller piquer une jasette, piquer une petite jasette ou des choses comme ça.
Jessica : Oui. C’est mignon comme expression.
Sylvie : Oui, oui, absolument. Et je trouve ça intéressant puisque présentement, je fais… à Montréal, des meetup groups, c’est des gens qui se rencontrent pour partager ensemble, apprendre à parler français ou apprendre à parler anglais, on mélange les deux. Et justement, j’ai rencontré une Australienne[14] là-bas, qui apprenait le français et tout ça, et je trouve ça vraiment intéressant de partager avec les gens là-dessus. Et on apprend différentes choses et… il nous font observer les… des façons qu’on a de la langue française ici, qu’on applique… des mots qu’on applique… nous, on[15] est tellement habitués d’utiliser qu’on ne se rend pas compte qu’ils sont peut-être différents.
Jessica : Oui, c’est vrai. C’est vrai. Bon alors moi le… l’expression alors « piquer une jasette », je connaissais pas. Je connais le mot jasette parce que j’ai un… un petit jeu de société, un jeu de cartes qui s’appelle « Brin de Jasette ».
Sylvie : OK.
Jessica : Donc qui est… pour déclencher la… la parole. Donc j’ai fait le lien, j’ai compris.
Sylvie : D’accord.
Jessica : Mais c’est vrai que… oui, on dit plutôt « causette ».
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Faire une causette… piquer une causette, je sais pas. Taper une causette, taper une causette[16] en France !
Sylvie : En France, vous tapez une causette, d’accord !
Jessica : Ouais, ou taper la causette, ouais. Donc, est-ce que c’est de l’argot, c’est du familier ou… c’est un terme tout à fait… langage courant ?
Sylvie : Vous pouvez entendre ça quand même relativement souvent.
Jessica : D’accord.
Sylvie : Ou l’autre mot qui a surpris les gens au… fameux meet up group, c’était « salaud ». Parce que nous…
Jessica : Salaud ?
Sylvie : Oui, salaud. Parce que nous, ici, on utilise encore la définition moyenâgeuse du mot « salaud ». Pour nous, c’est resté… quand on est dehors, l’hiver, bon nous quand… au printemps, la neige fond, ça devient un peu salissant à l’extérieur.
Jessica : Hm hm.
Sylvie : Et nous, on dit : « Ah, c’est salaud à l’extérieur ». Salaud dans le sens de salissant.
Jessica : Oooh ! D’accord. Oh bah on est très très loin du sens que nous on connaît qui est une insulte en fait.
Sylvie : Un salaud et une salope, c’est pas la même chose là, mais…
Jessica : Ah oui !
Sylvie : Mais ici, on utilise encore cette définition-là. Si on entend quelqu’un dire : « Ah mon dieu, c’est salaud à l’extérieur, c’est salaud dehors », c’est parce que c’est salissant.
Jessica : Mais alors, ça s’écrit comment ? S-A-L-A-U-D aussi ?
Sylvie : Oui, de la même façon, exactement. Sauf qu’on a conservé l’ancienne définition du mot salaud. On l’utilise encore.
Jessica : Hm hm. Parce que du coup, par rapport à vos explications je… je pensais S-A-L-E et puis ensuite EAU, E-A-U, parce que c’est… la neige fondue, c’est de l’eau… de l’eau sale…
Sylvie : Non, non. Non, non pas du tout. Pas du tout. Mais maintenant, c’est une… c’est une façon obsolète de l’utiliser en France, ce mot-là, salaud. Nous, on l’utilise encore. Vous… vous risquez de l’entendre régulièrement.
Jessica : Ah oui. Donc si vous allez à… à Montréal. Parce que en France, je recommanderais plutôt aux auditeurs de ne pas utiliser ce mot s’ils ne veulent pas s’attirer de… de problèmes. Oui, c’est vraiment uniquement une insulte chez nous.
Sylvie : C’est ça.
Jessica : Oui, c’est intéressant.
Sylvie : Mais on l’utilise surtout dans le langage familier, non pas à l’écrit comme tel[17].
Jessica : Hm hm, hm hm. Eh oui. Oui, c’est vrai que quand vous avez parlé donc du fait que dans les… les meet up groups, des fois, vous ne réalisiez pas… qu’un mot peut-être ne pouvait pas… pouvait ne pas être compris parce que… c’est vrai qu’on n’a pas conscience en fait des expressions qui sont utilisées seulement chez nous… ou qui peuvent être comprises partout. On en discutait pas plus tard que cette semaine avec donc mon mari qui est Australien…
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Un membre de notre famille demandait, mais alors est-ce que l’anglais australien, c’est pareil que l’anglais… est-ce que c’est vraiment de l’anglais ? Et je dis, bah ouais, il y a l’anglais américain, l’anglais irlandais, l’anglais d’Angleterre et puis l’anglais d’Australie. Et puis c’est vrai que… ils avaient aussi souhaité avoir des exemples de… de mots qui étaient différents, qui étaient peut-être plus utilisés spécifiquement en… en Australie. Alors… il y avait par exemple… mais alors du coup, ça fait… ça fait de l’anglais mais… oui par exemple, une… une couette, qu’on appelle aussi un duvet donc « duvet » en anglais…
Sylvie : OK.
Jessica : Qui est appelée « doona » là-bas.
Sylvie : OK.
Jessica : Et puis d’autres exemples. Donc vous… prêterez… prêterez l’oreille quand vous visiterez[18] Melbourne.
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Peut-être que vous remarquerez aussi des… des différences, pas seulement dans l’accent mais aussi dans le choix des mots.
Sylvie : Sûrement. Bah chaque pays a sa… a son petit dialecte, son petit accent… et c’est ce qui fait la beauté des langues, entre autres.
Jessica : Oui, exactement, ouais. Et c’est toujours intéressant de voir comment ces mots sont… arrivés là ou s’il y a eu des digressions dans… dans le sens. Ce qui est sans doute d’ailleurs le… le cas pour… pour « salaud » du coup.
Sylvie : Hm hm.
Jessica : Voilà. Donc ça c’est un petit peu le côté linguistique de… de la chose.
Sylvie : Bah c’est ça… ça m’a permis de faire la recherche sur ce mot, effectivement, salaud.
Jessica : Bah oui.
Sylvie : Mon dieu, comment cela se fait-il que… on utilise cette définition-là du mot ? Et en faisant des recherches, j’ai trouvé que la définition du… l’ancienne définition du mot « salaud ».
Jessica : Hm hm. Bah c’est très intéressant. Donc on va clore pour aujourd’hui parce qu’on a… on est arrivées à la fin donc du… de temps de cette interview. Pour nous deux, la… la conversation n’est… n’est pas finie puisqu’on se rencontre donc prochainement la tête en bas[19], donc sur Melbourne.
Sylvie : Oui ! (rires).
Jessica : Je vous souhaite un… un très bon voyage, bonne exposition et puis je donne rendez-vous aux auditeurs de French Voices sur votre site internet dont je vais mettre le lien. Mais peut-être que vous pouvez… énoncer voire épeler s’il y a besoin l’adresse, et ça fera un bon exercice de compréhension orale pour les auditeurs.
Sylvie : D’accord. L’adresse de mon site web, c’est www.pelletier-art.com , comme pelletier-art.com.
Jessica : pelletier-art.com. Voilà, donc Pelletier, c’est votre nom de famille. C’est la raison pour laquelle…
Sylvie : C’est ça, exactement.
Jessica : Voilà.
Sylvie : Et c’est mon nom d’artiste aussi, Pelletier.
Jessica : D’accord. Bah je vous remercie beaucoup, beaucoup Sylvie et puis voilà, rendez-vous bientôt sur Melbourne et je vous souhaite une très bonne fin de journée.
Sylvie : C’est ça, et je vous dis à la québécoise : « À la revoyure ! ».
Jessica : À la revoyure ?
Sylvie : Oui !
Jessica : Ouah ! J’avais jamais entendu… j’aime beaucoup cette expression !
Sylvie : À la revoyure !
Jessica : Donc, au revoir, à la revoyure !
Sylvie : C’est bon, au revoir !