(Part 1) Living Conditions in the Trenches during World War 1
PART 1
Jessica : Hélène Méhault, bonjour et bienvenue sur French Voices !
Hélène : Bonjour !
Jessica : Alors, comment vous présenter d’abord, quelle profession est-ce que vous occ[1]/exercez ?
Hélène : Alors, je suis directrice du Centre d’Interprétation Marne 14-18[2] qui se trouve à Suippes. Et en fait, c’est un musée très moderne où on fête nos… nos 10 ans cette année qui… qui propose une présentation assez vivante de la Première Guerre mondiale.
Jessica : Voilà, alors pourquoi Suippes ? Est-ce qu’il y a eu des événements particuliers qui se sont déroulés pendant la Première Guerre[3] mondiale à Suippes ?
Hélène : Alors, Suippes se trouve à peu à près à… à quatre kilomètres à l’arrière de la ligne de front, qui traversait toute la Marne[4]. En fait le front s’étendait sur… sur 700 kilomètres et… et donc Suippes est juste à proximité et aujourd’hui, il… il y a encore de nombreux vestiges, de nombreuses traces sur le territoire, notamment par la présence de… de cimetières, de nécropoles militaires, de monuments, des… des… même des villages détruits. Donc… la volonté, il y a 10 ans, a été de… de créer un musée qui pourrait accueillir des visiteurs et donner des clés de lecture, pouvoir expliquer aux visiteurs ce qui s’est passé sur le territoire mais également à l’échelle mondiale.
Jessica : D’accord. Oui ça… c’est un travail de mémoire qui est important. Et aujourd’hui on va en parler… pas nécessairement sous l’aspect… donc historique qu’on peut retrouver dans les… dans les livres d’école. On va s’axer un petit peu sur des aspects plus méconnus et anecdotiques de… donc des conditions de vie pendant la Première Guerre mondiale.
Hélène : Ouais… tout à fait.
Jessica : Alors, pour introduire un petit peu, en fait, j’ai… j’ai réussi à trouver votre nom et à vous contacter après avoir visité donc une exposition au Mémorial de… de Dormans, qui était une exposition temporaire qui s’appelle « La Popote du Poilu ». Et que j’avais trouvée très très intéressante. Alors bah déjà peut-être on pourrait commencer par définir le terme « popote » et puis surtout le terme « Poilu » qui là, pour le coup, est… appartient vraiment au vocabulaire de la… de la Première Guerre mondiale.
Hélène : Tout à fait. Alors, en fait la… la popote, on l’utilise aujourd’hui sans forcément savoir que… que ça vient de la Première Guerre mondiale. La popote, c’est un petit peu le… le… l’idée de… de se réunir, de faire quelque chose de très simple, un peu improvisé, une petite popote, c’est vraiment, voilà… on fait un petit… une petite dînette, quelque chose de… de très simple et.. et c’est surtout parce que ben pendant… pendant la Première Guerre mondiale, le… les conditions de restauration étaient assez précaires, assez compliquées et… et du coup, parfois les soldats mangeaient comme ils pouvaient. Ils mangeaient pas forcément chaud et… et donc voilà, c’était la… la popote. Et puis pour le terme…
Jessica : Hm hm. Faire sa popote, pardon, excusez-moi… faire sa popote, on retrouve ça, par exemple, dans le vocabulaire du… du camping.
Hélène : C’est ça.
Jessica : Donc un… une petite gamelle, souvent en métal, et puis on fait quelque chose de… de simple, de… de réchauffé[5], voilà.
Hélène : C’est ça. Voilà, c’est… c’est vraiment… le… Le terme c’est vraiment la simplicité quoi. Quelque chose d’improvisé, de simple et… et c’est pas un grand repas organisé. Voilà, c’est… c’est plutôt l’inverse.
Jessica : Hm hm. Oui.
Hélène : Et pour revenir sur le terme « Poilu », alors il y a… souvent, les gens pensent que le terme « Poilu » est dû parce que les soldats pendant la Première Guerre mondiale portaient la moustache.
Jessica : Oui.
Hélène : Et ce qui est… en principe faux. Alors oui certains portaient la moustache mais le terme viendrait plutôt de… de Balzac, qui dans un de ses romans parlait d’un homme… pour décrire un homme courageux et costaud et fort, il l’appelait ce « Poilu », et… et c’est un terme qu’on utilisait beaucoup à l’époque pour… pour définir quelqu’un qui était plutôt de… quelqu’un de… de téméraire, de courageux, de fort… et donc c’était une manière de… de décrire nos soldats.
Jessica : Ah d’accord. Donc en fait l’image de… de l’homme dans toute sa virilité.
Hélène : Voilà, c’est ça.
Jessica : Ah intéressant. Et dans… et Balzac utilise donc le terme « Poilu » avec un P majuscule également ?
Hélène : Alors, ça, je ne sais plus…
Jessica : Hm hm, d’accord.
Hélène : Mais… mais, voilà, c’est lui qui l’a… qui l’a, on va dire, vulgarisé, qu’il l’a vraiment rendu… un terme un peu commun et…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et donc, c’est… à l’époque, c’était un terme qui était utilisé par… par tous… tous les contemporains de… de l’année 1900, 1914 pour… voilà pour…
Jessica : Ah, c’était connu, OK.
Hélène : Pour définir une personne courageuse et… et costaud.
Jessica : Hm hm. Alors juste pour faire un petit point, alors donc j’ai parlé de la majuscule, c’est parce que le… le Poilu, donc le soldat de la Première Guerre mondiale, on l’écrit donc avec un…
Hélène : Oui, oui.
Jessica : Un P majuscule, par opposition au… le mot « poilu » avec une minuscule.
Hélène : Oui, qui serait l’adjectif.
Jessica : Donc, en anglais… voilà, l’adjectif… qui veut dire hairy, donc le poil, a hair. Et moi je pensais que… donc c’était parce que les soldats dans les tranchées ne… n’avaient pas forcément accès à la salle de bain etc., et donc ils se retrouvaient avec des… des barbes importantes, les cheveux hirsutes, c’est l’image que j’en avais.
Hélène : Mais… mais vous avez raison mais on… on retrouve également ce même phénomène capillaire, pileux, si je puis dire…
Jessica : Ouais.
Hélène : Du côté allemand.
Jessica : Oui.
Hélène : Puisqu’ils avaient les mêmes conditions de vie sur le front et… et du coup, pourquoi plus pour les Français et pas Poilus pour les Allemands ? Donc voilà, c’est vraiment ce… c’est voilà, les… les gens en général pensent que c’est dû effectivement aux conditions sanitaires un peu compliquées qui fait que les soldats avaient peu ou pas le temps de se raser. Mais… mais c’est surtout pour… pour souligner leur… leur côté courageux et fort.
Jessica : Hm hm. Hm hm. D’accord. Alors, donc cette popote du Poilu… rien que l’exhib… l’exhibition, ça c’est un… une mauvaise traduction…
Hélène : L’exposition.
Jessica : L’exposition en elle-même, on pourrait quasiment faire un… un épisode dessus, c’était très très riche…
Hélène : Merci.
Jessica : En contenu et en… en anecdotes. Est-ce que vous pouvez commencer à en parler un petit peu et puis on va voir quels aspects on va aborder ?
Hélène : Alors, on a… on a voulu faire cette exposition parce qu’on s’est dit que c’était intéressant de voir aussi comment vivaient les hommes pendant le conflit. Pas uniquement les soldats français, on s’est intéressés un petit peu à toutes les nationalités. Et.. et ce qu’il faut dire, c’est que la Première Guerre mondiale, c’est le premier conflit où les hommes vivent et… et se restaurent[6] sur place.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Avant, ils… ils étaient à l’arrière, ils partaient à la bataille et puis une fois que la bataille était finie, ils rentraient sur l’arrière se restaurer. Et là, non les… les soldats restent sur place. Notamment avec la guerre de position, vous savez, où… où les tranchées sont creusées et…
Jessica : Ouais.
Hélène : Et on vit sur… sur place, donc on se restaure. Et forcément, bah c’est… c’est compliqué parce qu’il faut mettre en place tout ce système de… de restauration, d’approvisionnement. Apporter les… la nourriture aux soldats, apporter l’eau, parce que l’eau, à l’époque c’est… c’est quelque chose de difficile à trouver. Souvent, l’eau est… est polluée parce qu’elle a reçu de nombreuses munitions, parce que bah parfois, bah il y a des… il y a eu des combats et il reste encore des… des cadavres au niveau du sol. Donc il va falloir puiser l’eau donc on va… on va… il y a toute une organisation qui va se mettre en place… qui était plus[7] ou moins anticipée selon les… les différents pays. Et… et on va voir comment aussi ça va évoluer au fur et à mesure du conflit où on va commencer avec quelque chose de… de très précaire et puis on va terminer sur… sur quelque chose de plus organisé avec des rations, des gamelles. Le conditionnement aussi, on va avoir le développement notamment de la… de la boîte en fer, qu’on appelle aujourd’hui, la boîte de conserve.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et c’est vraiment à ce moment-là où elle va se développer de plus en plus parce qu’elle peut… elle peut contenir des… des aliments sur une longue durée. Parce que voilà, les… les aliments frais, on se rend compte que bah à un moment, le soldat va rester longtemps sur une zone de combat et que bah la viande fraîche à un moment va vite tourner. Et il faut trouver une autre forme de conditionnement pour pouvoir conserver la viande plus longtemps.
Jessica : Oui. Alors, il y a déjà beaucoup beaucoup de choses dans… dans ce que vous dites. Une question qui m’a traversé l’esprit, c’est… alors je me fais peut-être mes… mauvaises idées du… du système ambulancier etc., mais il me semble que donc tout ce qui… tout ce qui était médecins etc., ils avaient un petit peu comme le drapeau blanc, non ? C’est-à-dire on pouvait pas…
Hélène : Oui.
Jessica : Ils avaient un peu l’immunité.
Hélène : C’est ça, c’est ça. C’est la fameuse… même la Croix-Rouge hein.
Jessica : La Croix-Rouge, voilà.
Hélène : Voilà, si… à partir du moment où le drapeau représentant la Croix-Rouge flotte, il est formellement interdit de… de tirer sur… sur la zone. Mais souvent les services de santé étaient plus vers l’arrière. Va y avoir sur le front ce qu’on va appeler une première zone de tri, un petit poste de secours, qui est très précaire… où là, on va vite regarder et trier les soldats. Donc si ils sont… si ils sont juste égratignés, voilà, on les soigne et ils retournent au front. Ou alors ils sont vraiment plus gravement atteints, et dans ces cas-là, on les… on les rapatrie vers l’arrière… pour qu’ils puissent ensuite être opérés et… et suivre les soins nécessaires.
Jessica : Alors, ouais d’accord, ça, ça va être tout un pan aussi très intéressant qu’on va développer tout à l’heure.
Hélène : Hm hm.
Jessica : Donc, on va mettre ça un petit peu entre parenthèses[8]. Oui, parce que du coup, on a dérivé mais c’était juste… je suivais ma pensée, je me demandais si donc pour les services de… de ravitaillement, les services de… d’approvisionnement de nourriture, est-ce que il y avait aussi ce système de… donc d’immunité où il était interdit de tirer ou…
Hélène : Non… ouais.
Jessica : Non ?
Hélène : Non, non, parce qu’en plus justement, c’est… c’est même des cibles parce qu’on se dit que si les soldats ne sont pas alimentés, forcément ils auront moins de force, ils seront fatigués.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Donc c’est aussi une sorte de façon… une forme d’usure qu’on peut avoir… notamment je pense aux… aux châteaux médiévaux où à l’époque il fallait prendre la cuisine et… et les réserves d’eau pour être sûr de prendre le château et c’est…
Jessica : D’accord.
Hélène : C’est… voilà, ça peut servir de stratégie aussi, de… de priver d’alimentation le… les soldats en face.
Jessica : Après ça peut être aussi une stratégie aussi de… de pas autoriser les soldats à être soignés…
Hélène : Tout à fait.
Jessica : Ça en fait moins… ça fait moins d’ennemis. Mais… d’accord.
PART 2
Jessica : Donc bon, vous aviez commencé à parler de… de l’eau donc… est-ce qu’il existait des systèmes de… comment on va dire, de… de purification de l’eau ou… ?
Hélène : Alors, oui. Il y a… on l’a développé pendant la Première Guerre mondiale. Au début, les Français, nous, on[9] acheminait des tonneaux remplis d’eau, des tonneaux immenses. Alors savoir que les… les tonneaux se vident vite, hein, pendant… pendant une journée, parce que… en plus, il y a un sentiment que ressent le soldat qu’est la peur. Et la peur donne soif.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Donc… donc c’est vrai que on se rend vite compte que c’est trop compliqué en termes de… de logistique de… d’apporter ces immenses tonneaux d’eau sur… sur le territoire. Donc on va penser justement à un système d’assainissement qui, avec de l’eau de Javel, hein, tout clairement, où… où je sais plus pour quelle densité d’eau, on va mettre quelques gouttes pour assainir[10] la… la qualité de l’eau. Les Allemands, eux, sont mieux organisés. Eux, ils vont apporter des machines qui vont creuser des puits pour aller en profondeur récupérer l’eau dans les nappes…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et… ce qui permet de… d’avoir de l’eau claire sans… sans trop de difficulté, si ce n’est de creuser le puits.
Jessica : Hm hm. D’accord. Alors… bon, ça donc l’eau. La nourriture solide, donc en particulier, donc la viande, le pain… qu’est-ce qu’on mangeait d’ailleurs sur le… sur le front ? Des soupes ?
Hélène : Alors, on pouvait manger des soupes, des sortes de… de soupes à la graisse de bœuf. C’était pas très compliqué à faire… des soupes un petit peu de légumes mais plutôt… beaucoup de légumes secs. Tout ce qui va être haricots, lentilles… voilà. On va manger… ce qu’on appelait… du singe. Il y en a qui disaient du singe mais en fait c’était…
Jessica : Du singe ? Hm hm.
Hélène : Du bœuf de mauvaise qualité.
Jessica : Voilà, donc c’est le surnom.
Hélène : Voilà, donc c’est un surnom.
Jessica : C’est pas du singe au sens littéral.
Hélène : Non, non, non, c’était pas du tout du singe, c’était, voilà, du… du bœuf de très mauvaise qualité. Euh il va y avoir du pain… le pain souvent même qui va venir tremper… le pain sec au bout de deux, trois jours, va être trempé dans la soupe pour donner un peu de consistance et ramollir le pain.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Donc c’est… c’est très… c’est très rudimentaire mais on essaie au mieux de… de proposer un repas qui soit assez… assez chaud, parce que ça, c’est vraiment des revendications que les soldats avaient au… tout au long du conflit, c’est qu’ils n’avaient pas un repas chaud automatiquement par jour. C’est une chose qui va changer en 1917, où là, ils auront sûr un repas chaud au quotidien.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et… et puis donc, ça va être des boîtes également de… de poisson… donc on va retrouver des boîtes de harengs, de sardines… du thon également. Donc…
Jessica : Ouais.
Hélène : Donc ça c’est des choses qui vont être ramenées[11] et qui sont… qui sont conservées notamment dans la… la boîte en fer.
Jessica : La boîte en fer blanc, donc ?
Hélène : Hm, c’est ça.
Jessica : Oui. Dont… dont j’ai pu voir quelques modèles pendant la… au cours de l’exposition. Alors, d’ailleurs cette boîte, il fallait l’ouvrir et ce qui était intéressant, c’est que… en fonction de la façon dont elle était ouverte, ça révélait un petit peu les conditions de front ou les… les équipements que les soldats avaient. L’ouvre-boîte date donc également de cette période du coup ?
Hélène : Oui, c’est ça, hein… parce qu’il y avait pas, comme aujourd’hui, des ouvertures intégrées comme on trouve dans… dans les boîtes de conserve. Donc c’est… c’est là où on voit même… les formes des boîtes peuvent révéler de… l’origine. Je pense notamment aux… aux Britanniques qui avaient beaucoup de… de hareng. Les Allemands aussi. Les Français vont être plus sur de la sardine ou du thon donc… c’est vrai que selon le menu et la forme de la boîte, on peut deviner… l’origine du… de celui qui… qui l’a utilisée.
Jessica : Et puis ensuite, au niveau des… des autres récipients, il y avait donc le… le container à moutarde dont la… la matière, le matériau a évolué également pendant la guerre. C’est ce que j’ai appris…
Hélène : Hm hm. C’est ça.
Jessica : Au cours de l’exposition.
Hélène : Donc on avait… alors selon les… les pays, là encore… par exemple les Britanniques avaient des gros pots en… en céramique. Et… les Allemands, eux, avaient chacun leur petit verre de moutarde, qui… qui était un verre par personne, recouvert… qui se fermait par une sorte de couvercle en fer et… et donc on retrouve aussi sur ces verres les… les symboles des… des différentes nationalités.
Jessica : Hm hm. Et puis j’avais vu que… donc si je me trompe pas, les récipients en céramique donc ils prenaient de la place, ils étaient lourds… lourds etc.
Hélène : Oui.
Jessica : Donc ça a évolué en… boîtes/verres à moutarde.
Hélène : Hm hm.
Jessica : En verre parce que donc la… la stérilisation et la… la conservation est meilleure dans du verre également ?
Hélène : Oui, c’est ça. C’est ça et puis beaucoup plus pratique hein, à mettre dans une… dans un petit sac que… que les gros pots en céramique qui étaient utilisés au départ.
Jessica : Hm. Ouais, ouais, ouais. Et je pense à la population civile. Est-ce que… parce qu’on a parlé du… du rationnement un petit peu au niveau des… des Poilus…
Hélène : Hm hm.
Jessica : Est-ce que la population civile était également… rationnée ? Est-ce qu’il y avait le système comme celui que je connais être… de la Deuxième Guerre mondiale ?
Hélène : Ouais, les rations.
Jessica : Donc les… le marché noir, des tickets de rationnement, ça existait ?
Hélène : Ouais, ouais c’est ça. Donc il y avait… il y avait également ce système-là en… pendant la Première Guerre mondiale… on voit souvent même des images de… de manifestation ou d’attente de rationnement dans les vi/dans les rues de Paris. On voit toutes ces… ces colonnes de femmes qui font la queue et qui attendent de pouvoir avoir leurs… leurs produits. Et l’Allemagne a énormément souffert[12], parce que l’Allemagne est entourée de deux fronts. Donc côté français et côté russe.
Jessica : Et russe, ouais, hm hm.
Hélène : Donc ce qui fait que en plus de ça, l’Allemagne doit fournir une quantité d’aliments à ses soldats et donc les… les populations civiles allemandes vont… vont énormément souffrir de… de cette restriction parce que… parce que l’Allemagne peut difficilement importer dans ces conditions.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et… et doit avant tout nourrir ses soldats.
Jessica : Qu’est-ce qui manquait le… le plus ? Quelle denrée manquait le plus ? Est-ce que vous savez ?
Hélène : Alors… je pense que c’est tout ce qui doit être fruits… vraiment les… des choses très fraîches. Parce que en termes de transport, de conservation, c’est assez compliqué. Une anecdote qui est assez intéressante, c’est que pendant le conflit, dans un régiment souvent, il pouvait y avoir des soldats de différentes régions et à l’époque, le régionalisme est assez important. Chacun est fier de… de… de sa région, de ses produits locaux. Et donc souvent, les soldats demandaient à leur famille de leur envoyer des colis.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et dans ces colis, ils y intégraient des produits vraiment régionaux. Donc… donc ça pouvait être, voilà, des produits bretons, des produits du pays d’Oc. Et… et les soldats avaient plaisir à se retrouver, bah déjà de recevoir ces… ces douceurs qu’ils n’avaient pas sur le front, mais aussi de faire connaître à ses camarades, ben, un saucisson, une confiture…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Des choses un peu… un peu exceptionnelles et… voilà, ça… ça alimentait la… la camaraderie et… et ça faisait un peu une pause au niveau du moral par rapport à… aux conditions dans lesquelles ils se trouvaient.
Jessica : Oui, ça apaisait un peu le mal du pays. Alors, moi sur mon front australien, où j’habite…
Hélène : Oui !
Jessica : Donc à l’année, c’est vrai que je réclame et que je me fais souvent envoyer pareil des… des colis avec bah mes biscuits préférés qui sont… qui sont introuvables en Australie. Et du coup, c’est vrai que je les rationne également parce que je peux pas les manger…
Hélène : Oui, c’est ça.
Jessica : Comme je les mangerais en France. Elles ont une saveur toute particulière et puis… par contre, j’avoue que je les partage pas parce que… voilà, c’est… c’est à moi. Même, je les cache parfois.
PART 3
Hélène : Vous êtes pas… vous êtes moins en… en condition de… de voilà, de… de faire découvrir, mais je pense notamment… on avait des soldats néo-zélandais, qui sont venus dans le nord de la France.
Jessica : Ah oui !
Hélène : Et donc on a… on a une recette, alors je l’ai pas en tête, mais je sais que les… les Néo-Zélandais recevaient des biscuits.
Jessica : Oui, c’est les biscuits de l’ANZAC ?
Hélène : Voilà, qui devaient rester secs parce que bah avec tout le… le voyage déjà pour arriver sur le… le front français, c’était… oui c’était une anecdote que j’avais entendue sur ces… sur ces biscuits.
Jessica : Oui, ANZAC Biscuits… alors ANZAC, ça… c’est donc Australian and New Zealand Corpse, donc les soldats australiens aussi les… les mangeaient. Donc c’est vrai que ces biscuits-là ont été faits pour un petit peu tenir… tenir au ventre, être doux et puis donc ne pas se périmer rapidement.
Hélène : C’est ça.
Jessica : Et la base, si je ne me trompe pas, donc c’est the oat, donc des… des flocons d’avoine.
Hélène : Oui, c’est ça, exactement, oui.
Jessica : Avec je dirais du sirop, peut-être un peu de sirop de glucose ou quelque chose comme ça pour… pour tenir le tout ensemble. Et c’est vrai que lors de ANZAC Day, donc qui est un jour de commémorations, on n’a pas donc le 11 novembre et le 8 mai en Australie.
Hélène : Ouais, hm.
Jessica : Mais il y a un jour qui est donc je crois le 26 avril.
Hélène : Oui, c’est ça oui.
Jessica : C’est ça ?
Hélène : Je sais que c’est au mois d’avril.
Jessica : Voilà, ouais, ouais. Et c’est un… donc ça, c’est le jour férié pour lequel on commémore en fait les… les différentes guerres et on trouve beaucoup dans les supermarchés, les boulangeries, ou on peut faire chez soi des biscuits de l’ANZAC.
Hélène : D’accord.
Jessica : Bah tenez je vais… je rajouterai un lien vers une recette[13] que je mettrai dans les… dans les show notes de l’épisode.
Hélène : Hm hm, hm hm.
Jessica : C’est assez simple à faire et c’est un petit peu comme ça… biscuits historiques.
Hélène : Voilà.
Jessica : Alors, bah peut-être on peut… se diriger… vous avez commencé à parler donc au niveau de l’organisation des services de santé, donc des… d’un premier tri, donc pour savoir si on allait soigner les soldats et les renvoyer au front ou si ils allaient devoir être donc hospitalisés et… et soignés.
Hélène : C’est ça.
Jessica : Les hôpitaux, c’était dans… c’était des camps qui étaient montés ou on les renvoyait dans les grandes villes ou comment ça se passait ?
Hélène : Alors, il y avait… il y avait plusieurs formes hein. Donc on a déjà le poste de secours qui se trouve vraiment sur le front, où là on opère un… un premier tri, à savoir si le soldat peut… peut vite retourner au combat ou si il a besoin de soins plus importants. Auquel cas, il est plus orienté vers l’arrière. Donc ça pouvait être dans ce qu’on appelait une ambulance. Alors, l’ambulance, c’était… elle… elle contenait tout un… toute une équipe d’infirmières, de médecins, chirurgiens. Et ces ambulances-là suivaient les… elles étaient mobiles et elles suivaient les… les régiments tout au long du… de l’avancée du régiment. Donc là, pouvaient avoir lieu des premiers soins et premières opérations et si vraiment les blessures étaient… étaient de… beaucoup plus graves, là on les… on les envoyait dans les hôpitaux. Donc les hôpitaux pouvaient être soit quelques kilomètres à l’arrière du front. Donc dans ces cas-là, c’était… s’il y avait, dans des… dans des villes qui possédaient déjà des hôpitaux. Sinon, on pouvait réquisitionner des bâtiments publics comme des mairies, des écoles, des églises, hein.
Jessica : Ouais.
Hélène : La cathédrale de Reims a servi de… de poste de secours pendant… pendant la guerre.
Jessica : Oh, d’accord.
Hélène : Donc… donc voilà, c’était… c’était des endroits où on pouvait mettre assez rapidement des lits pour pouvoir… soigner au mieux les soldats. Et ensuite, il y avait des centres, vraiment, plus dans les… les grandes villes à l’arrière, où là, on va pratiquer ce qu’on va appeler la chirurgie réparatrice. Donc par exemple, ces soldats qui ont eu le visage complètement défiguré, qu’on a surnommés les Gueules Cassées…
Jessica : Ah oui, exact. Hm hm.
Hélène : Voilà, on va réparer vraiment une joue, une mâchoire, une oreille. Et puis, les centres pour les tuberculeux aussi, qui vont être beaucoup plus à l’arrière. Et puis en parallèle de la Première Guerre mondiale, on va avoir la… la grippe espagnole qui va sévir aussi. Donc là également des… des hôpitaux bien à l’arrière pour… pour évacuer les… les soldats atteints du front.
Jessica : D’accord. Oui, ça fait quand même un… un sacré… une sacrée panoplie… un sacré éventail de… de types de blessures, de maladies. Quel est… quelle serait la… peut-être la plus courante, j’imagine les tirs de… les éclats d’obus peut-être ?
Hélène : Alors, souvent c’est des éclats d’obus. C’est des projectiles, hein, donc qui vont venir se… s’incruster dans un membre. Euh… on va avoir aussi… alors le gaz un peu moins. Il y a… c’est plus une arme psychologique qu’une arme militaire le gaz.
Jessica : Ah oui.
Hélène : Alors… bien sûr, il y a… il y a des… il y a de la mortalité, notamment avec le gaz ypérite, ce qu’on va appeler le gaz moutarde.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Mais les premiers gaz[14], eux, sont plus… donc ce qu’on appelle les gaz… suffocants qui vont… empêcher de… de respirer ou… sternutatoires. Alors ça c’est un mot qui est très compliqué qui… qui provoque en fait des éternuements. Donc l’idée, c’est d’empêcher le soldat d’avancer, de progresser. Donc ce gaz-là va… va faire comme si le… il était pris d’une allergie. Donc les yeux qui pleurent, les éternuements, un peu d’irritation. Et après, on va voir les gaz qui sont bien plus dangereux, qui sont les gaz vésicants, donc là, qui brûlent et qui vont brûler le… les poumons, la trachée et… et même les… les infirmières pouvaient se brûler en… en déshabillant les soldats.
Jessica : Ah vraiment ?
Hélène : Oui, oui, ça c’est… c’est vraiment les… les gaz… c’est l’ypérite, ce qu’on appelle le gaz ypérite, le gaz moutarde.
Jessica : Et on… il y avait un remède contre ce gaz ou c’était la mort assurée ?
Hélène : Alors, on… on dit qu’il y a 3 % de… 3 à 5 % de… de cas de mortalité dus au gaz. Souvent, les… les soldats vont… vont en réchapper mais ils vont mourir quelques années plus tard d’insuffisance respiratoire. Donc c’est pas une mort subite brutale sur le front.
Jessica : D’accord. Hm hm.
Hélène : Mais il va y avoir un affaiblissement de la santé et… et forcément dès que… dès qu’il va y avoir une infection, ou même une tuberculose, enfin voilà, c’est… il y a une… une sensibilité chez le soldat au niveau de… de la respiration et on… beaucoup, beaucoup de gens qu’on rencontre nous disent : « Bah mon grand-père est sorti de la guerre mais… mais il est mort quelques années plus parce qu’il avait une insuffisance respiratoire et… ». Et donc c’était dû au[15] gaz.
Jessica : Ah OK. Hm hm. Et au niveau donc des… donc des blessures post-opératoires etc., est-ce qu’il y avait déjà donc les… les anesthésiants ?
Hélène : Alors, on avait… pas tout à fait. Il y avait la morphine. La morphine était plutôt réservée à une élite, hein, aux officiers. On avait… la pénicilline n’existait pas encore donc on mettait une sorte… un peu d’éther ou une sorte d’eau de Javel pour… pour anesthésier un petit peu… mais…
Jessica : Ouais.
Hélène : Désinfecter, mais c’était vraiment… c’était les… les débuts. Et donc on dit toujours que c’est grâce aux guerres que la médecine progresse parce que il y a eu des… des évolutions qui ont été faites, justement pendant la guerre… pour voir un petit peu au mieux, mais… à l’époque, c’était pas comme aujourd’hui où on se soucie de la douleur, du… des hommes. Euh là, c’était le rendement, c’est… on répare vraiment, c’est vraiment le terme réparer…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Au mieux, au plus vite, et on renvoie sur le front ou alors on… on évacue vers l’arrière et on… on s’en soucie plus quoi, c’est… c’était assez… assez compliqué.
[…]
A suivre