(Part 2) Living Conditions in the Trenches during World War 1
PART 1
[…]
Jessica : Hm hm. Alors, vous parliez des… des avancées technologiques, donc plutôt dans le… le domaine médical qui se font en temps de guerre…
Hélène : Hm hm.
Jessica : Il me semble… dans mes souvenirs de… alors, j’aime beaucoup donc Franck Ferrand son…
Hélène : Oui, ses émissions.
Jessica : Il y a une émission de radio « Au cœur de l’histoire »[1], oui, vous connaissez ?
Hélène : Oui, oui, oui très bien.
Jessica : Et j’avais entendu un épisode sur Marie Curie, c’est pendant la Première Guerre mondiale je crois ?
Hélène : Oui, c’est ça.
Jessica : Oui.
Hélène : C’est ça. La radiographie.
Jessica : Voilà, donc elle avait dans des… donc dans des camionnettes, dans des ambulances…
Hélène : Exactement.
Jessica : Des appareils radiographiques pour pouvoir…
Hélène : Voilà. Donc ça, la radiographie, elle va être utilisée pendant la guerre et elle va surtout permettre aux médecins de déceler les éclats d’obus à l’intérieur des corps. Donc ça va être…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Alors, c’est… c’est pas au point au niveau des rayons, d’ailleurs elle va… elle va en souffrir elle après. Mais…
Jessica : On ne savait pas que c’était radioactif à l’époque ?
Hélène : Non. Non, mais c’est vrai que c’est une avancée qui est… qui est primordiale pour les… pour les médecins parce que… parce que voilà, on voit tout de suite où se trouvent les éclats d’obus et si on peut les extraire ou pas… du corps.
Jessica : Hm. Il y a d’autres… d‘autres avancées médicales de l’époque ?
Hélène : Alors… on va avoir une avancée… qui va être surtout amorcée par les… les Britanniques, ce qui va être la neuropsychiatrie.
Jessica : Ah bon !
Hélène : Parce que les… les soldats vont souffrir d’un mal invisible, qu’on va appeler l’obusite, le shell shock, et qui… qui fait que en fait quand… quand le… le soldat se trouve à proximité d’une explosion, il y a une onde de choc. Et donc plus le corps humain va être traversé par des ondes de choc, plus ça va provoquer des lésions cérébrales au niveau du cerveau…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Qui vont provoquer chez le soldat des… des troubles psychiatriques. Donc ça peut être sous forme de phobie, avoir peur du rouge par exemple. Ça peut être…
Jessica : Ah vraiment ? Ouais.
Hélène : Lors d’une explosion, un feu d’artifice ou… voilà dès qu’il y a un bruit d’explosion, le soldat qui va se… se coucher au sol, qui va être complètement apeuré. Et puis ça va avoir aussi… des… des incidences en fait, les… les soldats vont devenir fous, vont sombrer dans la démence. Et à l’époque, les tribunaux militaires allemands ont fait souvent appel à Freud pour venir constater si tel ou tel soldat était bien sujet à ce choc de l’obusite ou si c’était un soldat qui jouait la comédie pour pas retourner au front, ce qui s’explique aussi.
Jessica : Alors là, c’est psychologique ou neurologique ?
Hélène : Voilà, c’est ça. C’est… en fait, c’est.. c’est les… c’est psychologique mais c’est dû aussi à… en fait, c’est lié. Parce que les lésions sont provoquées par les ondes de choc et ça va jouer ensuite sur la psychologie du soldat.
Jessica : D’accord. Alors, ça me fait à un… je sais plus la formulation exacte mais le… le syndrome…
Hélène : Post-traumatique. C’est exactement ça.
Jessica : Le choc post-traumatique, voilà, c’est ça ?
Hélène : C’est ça.
Jessica : C’est le même… d’accord.
Hélène : Et la première fois qu’on en parle vraiment, parce qu’on parlait des conditions psychologiques des… des guerriers etc. du temps de Napoléon. Et la première fois que le sujet vraiment est abordé, c’est… c’est suite à la Première Guerre mondiale, où il y avait des… des asiles de fous, d’aliénés… de soldats qui revenaient du front complètement… complètement fous. Mais c’est surtout les Britanniques qui en ont pris conscience très tôt et qui ont fait déjà de… de nombreux travaux à ce sujet. Nous, on avait… on a quelques… quelques travaux qui ont été réalisés mais… mais on s’est surtout inspiré des travaux britanniques pour… pour évoluer sur ce… domaine-là.
Jessica : D’accord, très intéressant. Mais c’est… oui, donc ce sera un petit peu les… les débuts de… des considérations des… des mots psychologiques, alors ce que vous êtes en train de dire, ouais, ouais.
Hélène : Voilà. Alors par contre, au niveau des soins, c’est toujours pas ça, hein, parce que c’est où on va… on va retrouver des… des soins à base d’électrification.
Jessica : Ouh !
Hélène : Voilà, donc c’est… c’est… oh, je ne sais plus le terme… vous savez où on… les fous, là, on leur lance des… des…
Jessica : Ah, oui, oui, oui. Alors, ça, c’est pour des états psychotiques ?
Hélène : Oui, c’est ça… c’est ?
Jessica : Des ondes… on envoie des ondes électriques…
Hélène : Des électrochocs, des électrochocs, c’est ça.
Jessica : Des électrochocs, ouais.
Hélène : C’est là où on va… on va user de ça un petit peu, ça va… bon, ces soldats vont nous servir un peu de cobayes pour… pour évoluer dans ce domaine-là, hein.
Jessica : Ouais, alors, après vous savez peut-être pas… vous connaissez peut-être pas les détails, détails…
Hélène : Non.
Jessica : Mais est-ce qu’on fait signer des autorisations de… de consentement etc. pour… faire donc des expérimentations ?
Hélène : Alors… je sais que… bon le soldat, quand il est considéré comme fou de toute façon, il est plus considéré comme responsable donc là, c’est… c’est le médecin qui… qui décide. Après, je sais que des tests étaient faits, et ça, c’est… c’est régulier en temps de guerre, sur des prisonniers.
Jessica : Ah oui.
Hélène : Donc on pouvait… voilà, on pouvait essayer des choses sur des prisonniers allemands ou des prisonniers français, du côté all/de l’Allemagne, enfin… voilà, souvent les prisonniers qui… qui étaient blessés pouvaient éventuellement servir de… de cobayes pour la médecine mais c’est un sujet qui est encore assez peu développé et qui reste un petit peu tabou. Forcément, on n’est pas fiers de… de ce qu’on fait.
Jessica : Ouais, non, c’est assez horrible.
Hélène : Mais… mais qui serait intéressant de… de développer, oui.
Jessica : Ça fait même penser un petit peu à ce qui va arriver ensuite pendant la… la Deuxième Guerre mondiale où il y a eu vraiment des expérimentations…
Hélène : C’est ça.
Jessica : Réalisées… donc voilà sur des… des personnes dans les camps de… de concentration.
Hélène : De concentration.
Jessica : Ouais, ouais, ouais. D’accord.
Hélène : C’est ça, tout à fait.
PART 2
Jessica : C’est assez délicat. Donc le… le Centre d’Interprétation de Suippes, je suis allée un petit peu sur le… site internet pour préparer cet entretien. Mais… qui se concentre sur certains… certains thèmes en particulier. Alors… est mentionnée donc la vie à l’arrière et la reconstruction. Mais je n’en sais pas beaucoup plus, qu’est-ce que vous pourriez dire à ces sujets ?
Hélène : Alors, la vie à l’arrière et la reconstruction, donc c’est une… c’est une partie qu’on va trouver en… en fin de visite. La vie à l’arrière, on va surtout mettre l’accent sur le rôle des femmes, qui vont avoir un… un rôle très important.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Jusqu’à maintenant, les femmes… voilà, n’ont pas le droit de vote, elles ne travaillent pas, elles sont là pour s’occuper de la maison et des enfants. Et… et là, il va nous falloir de la main d’œuvre. Alors que ce soit[2] pour travailler dans les terres agricoles, dans les fermes, hein. Parce que tous les hommes sont mobilisés pendant la Première Guerre mondiale, ce sont pas des militaires de carrière. Ce sont des instituteurs, des curés, des artisans, des fermiers qui vont… qui vont partir et donc il va falloir continuer à… à travailler les terres, à gérer les exploitations, les bêtes, si elles n’ont pas été réquisitionnées pour le… pour l’approvisionnement.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Donc, c’est les femmes qui vont se retrouver avec cette charge de… de travail. Et puis elles vont avoir un autre rôle auquel on ne pensait pas forcément au début, c’est que l’armement coûte excessivement cher. Donc il va falloir récupérer des douilles d’obus sur le front, les rapatrier vers l’arrière pour les recycler. Et comme la main d’œuvre masculine est en train de se battre, on va faire appel aux femmes pour travailler dans les usines d’armement. Donc ce sera très mal vu d’ailleurs, elles vont… les… les femmes qui vont travailler dans ces usines seront souvent sujets de… de critiques. On leur a trouvé plusieurs surnoms.
Jessica : Par exemple ?
Hélène : Donc on va les appeler les « missionnettes », c’est ce qu’on… c’est un surnom qui est assez… assez courant. On va les appeler également les « obusettes ». Donc parce qu’elles travaillent sur les obus. Et les « canaris », parce qu’elles manipulent un explosif qui est à base de… de TNT et d’acide picrique. Qui est jaune, et donc qui va jaunir leurs mains, leur visage. Donc on… elles sont assez reconnaissables et… et donc ces… c’est ces femmes-là qui vont travailler essentiellement dans les… dans les usines d’armement.
Jessica : Alors, est-ce que la raison pour laquelle… donc elles sont un petit peu mal vues ou… est-ce que ça a à voir avec le fait que une femme n’a, entre parenthèses/entre guillemets, n’a rien… à faire avec la guerre puisqu’elle fait des enfants…
Hélène : Alors, c’est plus dans l’idée que elles vont construire plutôt des bombes qui vont tuer leur mari au front.
Jessica : Ah, d’accord ! Oui.
Hélène : C’est plus ça. Elles vont alimenter[3] le conflit. On n’a pas encore de notions un peu féministes comme ça où… la femme doit être… enfin, ne doit pas…
Jessica : Donne la vie…
Hélène : Voilà. C’est… c’est plus… c’est plus le fait qu’elles… qu’elles entretiennent la guerre. Voilà.
Jessica : Ouais.
Hélène : Et du coup, qu’elles empêchent le retour du mari… plus… plus rapidement quoi.
Jessica : Hm hm, hm hm.
Hélène : Et puis… mais elles vont avoir aussi un autre rôle qui est très très important… autre que l’activité économique, c’est… pour le… le moral des soldats, grâce à la correspondance où là, elles vont… elles vont aider les hommes pendant les moments de… de doute, de faiblesse, de dépression où elles vont écrire énormément… pour donner des nouvelles des enfants… de comment va la ferme, comment vont les… les terres, les exploitations…
Jessica : Oui.
Hélène : Et puis… et puis voilà rassurer un petit peu l’homme, dire qu’elles les attendent et que… et puis envoyer les colis aussi, et… les soldats qui n’ont pas de famille vont pouvoir bénéficier de… de courriers de femmes qu’on va appeler des marraines de guerre. Donc c’est… ce sont des femmes qui vont se porter volontaires pour écrire à des soldats qui… qui n’ont pas de famille et parce que aussi ont droit à du réconfort.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et une fois en visite, j’ai une dame assez âgée qui me dit : « Mais vous savez, ma mère était marraine de guerre, mon père était soldat, et en fait, ils ne se connaissaient pas, il se sont connus pendant le conflit par l’échange de… de lettres, et lors d’une permission, il est allé la rencontrer ». Et de cette rencontre, est née la… la dame qui était en visite en face de moi.
Jessica : Ah oui ! Bah il a dû y avoir des histoires d’amour qui ont commencé comme ça parce que c’est… ça crée vraiment un… un lien humain assez spécial.
Hélène : Complètement. Moi je vous invite à lire les… les journaux, les quotidiens de l’époque… dans la partie « Petites annonces », où on voit ces… des femmes, jeunes, célibataires souvent, qui… qui recherchent un jeune soldat Poilu courageux, pour soi-disant aider leur pays aussi mais… mais c’est digne de petites annonces matrimoniales hein. C’est… c’est croustillant hein, c’est… c’est à lire.
Jessica : Oui. Alors ces… ces petites annonces, on les… on peut les trouver où ? Parce que vous dites, lisez les journaux de l’époque mais…
Hélène : Alors, il y a… il y a… avec l’effet du centenaire de la Grande Guerre, on trouve assez facilement maintenant… notamment, il y a eu toute une collecte nationale au niveau des archives… et des archives départementales. Donc pour trouver… vous tapez juste même sur Google : « Journaux 14-18 ». Donc il y avait L’Illustration, il y avait Le Miroir, il y avait Le Petit Journal Illustré. Qui… qui donc… qui traitaient de… donc des conflits. Mais avec toute la partie aussi à la fin, comme on a encore aujourd’hui, sur des choses un peu plus légères et notamment ces… ces fameuses annonces hein. On les trouve assez facilement sur internet maintenant.
Jessica : D’accord, donc ce serait des versions numérisées, en fait.
Hélène : Tout à fait.
Jessica : Des scans des journaux… des journaux d’origine.
Hélène : C’est ça, c’est ça.
Jessica : Ah ! Bon ben alors avis aux amateurs si vous avez envie de… de lire les journaux de la Première… donc des journaux centenaires. Internet !
Hélène : Voilà.
Jessica : Très bon à savoir. Hm hm. La reconstruction, alors elle s’est… elle s’est faite, je suppose, très lentement. Est-ce que vous pouvez en parler un petit peu ?
Hélène : Alors, la reconstruction donc c’est… c’est un moment qui est assez… qui est assez compliqué parce que… en fait, la France a été balafrée vraiment sur… sur donc 700 kilomètres, elle a une énorme cicatrice.
Jessica : Oui.
Hélène : Où là… les… les villages sont… sont détruits… je pense à la ville de Reims qu’[4]est détruite à près de 90 %.
Jessica : Ah quand même !
Hélène : Oui, oui, c’est… il y a des villages qui sont totalement rasés de la carte.
Jessica : C’est un miracle que la cathédrale, donc, tienne toujours debout du coup ?
Hélène : Ah la cathédrale de Reims a été incendiée dès le début, dès septembre 1914…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et en fait, il y a eu toute une… toute une réflexion qui a été portée au lendemain de la guerre… qui était soit on la laisse à l’état de ruines pour montrer la barbarie des Allemands et qu’on s’en souvienne… voilà, pour montrer la… la souffrance de… de cette ville martyre. Ou soit on la reconstruit à l’identique. Donc il y a eu… il y avait plusieurs écoles qui s’opposaient, il y a eu des débats et… et donc le… le mot final a été de reconstruire la cathédrale de Reims. Elle est toujours, toujours en restauration[5], à plus de 800 ans maintenant, et… et encore aujourd’hui, il y a des traces de la Grande Guerre. Quand on la visite, même à l’intérieur, il y a encore des traces de… de l’incendie qui a sévi en septembre 14 et… et donc elle est… voilà, elle est toujours en cours de restauration. Mais il y a énormément de villages où… surtout nous, sur notre territoire, on voit tout à fait les… les vestiges. On a une particularité qui se trouve dans le camp de Suippes, qui est malheureusement inaccessible parce que zone militaire et…
Jessica : Ah oui !
Hélène : Et en fait au lendemain de la guerre… il existait déjà un camp militaire qui datait de Bonaparte, Napoléon… et qui était le camp de Mourmelon. Et on s’est dit, enfin le gouvernement s’est dit que… il serait intéressant, on sait jamais, si on allait sur une seconde guerre mondiale un jour, d’avoir un autre camp d’entraînement à proximité. Et… et le gouvernement a décidé de… de sélectionner une zone dans la zone rouge. Ce qu’on appelle la zone rouge, c’est une zone qui est polluée, c’est-à-dire qu’elle a encore des munitions. Et encore aujourd’hui…
Jessica : D’accord.
Hélène : On a en France de nombreux hectares de forêt qui sont encore classés en zone rouge. Dans la Meuse, dans la Marne, sur le Chemin des Dames, dans l’Aisne.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Où ce sont des zones qui sont polluées et… parce qu’on s’est rendu compte que le coût d’exploitation agricole était parfois inférieur au coût de déminage. Donc c’était moins intéressant de déminer que de ré-exploiter au niveau agriculture, donc on a préféré les laisser en… en zones un petit peu inaccessibles. Souvent, ce sont les forêts où il y a pas de chemins de randonnée, des… des forêts qui sont denses.
Jessica : D’accord, parce que ça pro…
Hélène : Voilà, dans lesquelles on…
Jessica : Mais c’est pas nécessairement des… des mines mais ça peut quand même être des… des objets qui vont exploser ?
Hélène : Des obus, des grenades, oui, oui.
Jessica : Ah oui, ah oui.
Hélène : Ce genre de choses sont encore sous terre. Les démineurs estiment qu’il faudrait encore 400 ans pour déminer tout le territoire français. Uniquement des munitions de la Première Guerre mondiale. On parle pas de la Seconde.
Jessica : Ah oui, donc… ça a vraiment balancé… pour parler vulgairement…
Hélène : Bah c’est des milliers de tonnes d’obus qui sont tombés hein.
Jessica : Oh là là là là.
Hélène : Et donc dans cette zone rouge, il y avait cinq villages qu’on a décidé de… de ne pas reconstruire. Soit parce que… la population n’est pas revenue, soit voilà les… il restait peu d’habitants, notamment les hommes hein. Il y a beaucoup de villages qui ont perdu une grande partie de leurs hommes. Et donc comme les… les populations avaient fui pendant le… le conflit, donc soit ils sont pas revenus, soit ils étaient pas assez pour pouvoir estimer qu’on reconstruise. Donc on a délimité une zone qui fait à peu près 12.000 hectares, qu’on appelle aujourd’hui le camp de Suippes.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et dans lequel reposent cinq villages qui n’auront jamais été reconstruits, donc ce qu’on appelle, nous, les… les villages détruits.
Jessica : D’accord.
Hélène : Et pour leur rendre hommage… donc ils ont été officiellement rayés de la carte en 1950 mais les communes alentour, qui, elles, ont été reconstruites, ont récupéré le nom. Donc je pense par exemple à Sommepy, le village de Sommepy qui a été reconstruit, a récupéré le village de Tahure. Et aujourd’hui, vous allez à Sommepy-Tahure. Vous avez également… par exemple Wargemoulin, qui est un village reconstruit, qui a récupéré le village de Hurlus, et donc c’est aujourd’hui Wargemoulin-Hurlus. Donc quand vous vous baladez sur la ligne de front, que vous voyez deux… un nom de village mais qui a l’air d’avoir deux noms…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Souvent, c’est suite à un village qui a été détruit et dont le nom a été accroché en mémoire au village qui lui n’a pas été reconstruit.
Jessica : Voilà, exactement donc… oui. En plus de… de faire des… des musées, d’en parler dans les… dans les écoles, donc dans les livres… donc ça contribue un petit peu au travail de mémoire qui est… qui est quand même très important. Parce qu’il faut pas oublier cet aspect…
Hélène : C’est ça, c’est ça.
PART 3
Jessica : Voilà, de… de notre passé. Et d’ailleurs, quelle leçon est-ce que on peut tirer aujourd’hui de la Première Guerre mondiale et est-ce que vous pensez que l’Homme retiendra ces leçons ? Il y a eu une guerre qui est…
Hélène : Alors, oui, voilà, l’histoire nous montre que l’Homme n’a pas trop retenu la leçon, si ce n’est de faire différemment.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Parce que c’est vrai que on aura jamais une guerre aujourd’hui comme on a eu une Première Guerre mondiale où on était plus dans un corps à corps. Voilà, les hommes qui sont à quelques dizaines, centaines de mètres de l’ennemi.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Là aujourd’hui, on va être plus sur une guerre moderne, avec des satellites, avec de l’aviation… ou sans bouger de son bureau, on peut… on peut lancer une attaque à des centaines de kilomètres… de là donc…
Jessica : Très technologique quoi.
Hélène : Voilà. C’est vraiment la technologie et la modernité qui… qui priment aujourd’hui. Euh c’est vrai que c’est la première fois aussi qu’il y a cette notion de mémoire…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Notamment avec ces… ces nécropoles, ces cimetières qui sont visibles. Vous trouverez difficilement des… des tombes de 1870 ou des autres conflits précédents parce que là…
Jessica : Oui.
Hélène : Il y a une prise de conscience aussi du deuil, comment organiser euh… on pourrait se dire, mais pourquoi les soldats… ils sont pas tous de la Marne et pourquoi ceux qui sont enterrés dans la Marne n’ont pas été enterrés dans leur village… natal.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et en fait, c’était… au début, les… les familles pouvaient récupérer le… le corps de… de leur soldat mais en termes de logistique, une fois encore, les voies de communication étaient trop importantes pour apporter l’armement, le ravitaillement sur le front. On pouvait pas s’amuser à… à faire ces… ces convois de la mort comme on les a appelés au début pour… rapatrier les cercueils à l’arrière… dans les villages.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Donc en 1915, il y a une loi… en décembre 1915, qui obligeait le soldat qui tombait sur le front à être inhumé à proximité du front. Mais je vois par exemple sur… nous, notre territoire, sur 40 kilomètres de long, il y avait plusieurs centaines, voire à peu près 200 cimetières provisoires, parce qu’on enterrait rapidement et puis… mais parfois, il y avait de nouveau des bombardements, des cimetières qui étaient bombardés et donc…
Jessica : Hm hm.
Hélène : Sur ces 40 kilomètres, on… on a, après, dans les années 1919, 1920, fait des regroupements, donc c’est ces immenses nécropoles qu’on peut apercevoir aujourd’hui et qui sont constituées de plusieurs dizaines de cimetières, mais il fallait pouvoir récupérer les terres pour… les exploiter à nouveau. On est vraiment dans une zone rurale hein, donc… donc c’est pour ça qu’aujourd’hui on voit ces… ces paysages de… de croix à… à perte de vue, qui… qui sont les regroupements. Donc vraiment il y a une prise de conscience du deuil, de la mémoire. Et notamment ça va se traduire aussi avec la… l’érection de monuments. On va créer des stèles, les régiments vont vouloir ériger des… des monuments à leur gloire, à la gloire de leurs camarades.
Jessica : Ouais. Quasiment dans chaque… enfin, là je parle parce qu’on est dans la région Champagne et donc… c’était un… une région où il y a eu vraiment beaucoup de… de batailles etc., et c’est vrai que chaque village, même, a son monument aux morts.
Hélène : Voilà. Alors…
Jessica : Avec ses… ses morts pour la France.
Hélène : Tous… tous les villages de France, à l’exception d’un ou deux je crois, ont un monument aux morts.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Donc soit c’est une stèle au cœur du village, soit c’est une plaque à l’intérieur de l’église ou de la mairie. Mais toutes les communes de France ont perdu pendant le conflit des… ce qu’ils appelaient, des enfants hein, des soldats. Donc ça c’est vraiment ce qu’on retrouve dans toute la France. Mais c’est vrai que notre région, et toutes les régions qu’ont été traversées par le… le front… ont encore plus de monuments parce que… il va y avoir tout… voilà, comme je vous disais les régiments qui veulent rendre hommage à leurs soldats et qui vont aller mettre un… un monument à proximité d’une bataille qui a été assez douloureuse pour eux.
Jessica : Oui.
Hélène : Donc un régiment peut avoir plusieurs monuments sur le front mais voilà, c’est des hommages qui sont rendus. Aujourd’hui, il y a une grosse question qui se pose par rapport à ça, c’est : « Qui entretient ? ». Parce que malheureusement, bah les… les associations de régiments sont… n’existent… parfois, des régiments ont été dissous ou n’existent plus.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Il y a plus de descendants et puis… et puis c’est quand même un coût, donc souvent ce sont… ce sont les communes du territoire qui récupèrent ou des associations de mémoire qui… qui entretiennent un petit peu. Beaucoup… Le Souvenir Français, ou l’ONAC donc l’Office National des Anciens Combattants et Veuves de Guerres qui… qui lui est en charge des nécropoles. Mais… mais c’est vrai qu’il y a une question… et notamment après le centenaire qui est : « Qui… qui entretient ? », parce que c’est sûr que ça a un coût et… et voilà. Donc… ça c’est… à voir dans les prochaines années, prochaines décennies.
Jessica : Bah je vous remercie beaucoup, Hélène, d’avoir abordé donc autant de… de dimensions différentes et puis d’avoir, j’espère, aidé à faire prendre conscience du… donc l’ampleur du conflit. Quand on voit donc le… le nombre de… donc de… de mines, d’obus, de grenades qui sont encore… qui jonchent encore les… les terres françaises, donc l’importance du… du travail de mémoire aussi… que je souhaitais et c’est la raison pour laquelle je vous ai contactée, contribuer à… à faire diffuser via ce podcast.
Hélène : C’est gentil.
Jessica : J’invite donc toutes les personnes que… donc que l’histoire intéresse à… donc visiter… donc le Centre d’Interprétation de Suippes si vous vous trouvez donc dans la région… on est toujours dans la région Champagne à Suippes ?
Hélène : On est en Champagne-Ardenne, hein, tout à fait.
Jessica : Oui. Voilà, donc c’est… ça semble particulièrement bien fait et puis vous pourrez peut-être rentrer en contact avec… avec Hélène et dire bonjour…
Hélène : N’hésitez pas !
Jessica : Dire que vous venez par… suite au… au podcast. Il y a encore tellement, tellement… qu’on pourrait évoquer.
Hélène : Oui.
Jessica : Mais pour aujourd’hui, nous, on va boucler. J’espère que ce podcast vous aura… vous aura intéressés. Je vous remercie beaucoup, beaucoup, Hélène pour…
Hélène : Merci à vous !
Jessica : Pour votre temps. Vous êtes un vrai puits de connaissances.
Hélène : C’est gentil.
Jessica : Est-ce que je peux juste finir par une question rapide, savoir… est-ce que vous avez un aspect de la Première Guerre mondiale qui vous fascine le… le plus personnellement et comment vous… vous en savez autant sur… sur le conflit ?
Hélène : Alors… ce qui me passionne, c’est les fortifications militaires.
Jessica : Hm hm.
Hélène : Et en fait, c’est.. grâce à ça aussi que je suis rentrée dans le… la Grande Guerre[6], on va dire, c’est que j’ai découvert autour de Reims, des forts qui étaient à l’état d’abandon, comme ça, lors d’une randonnée pédestre. Et je me suis demandée, mais pourquoi de… de tels monuments aussi immenses pouvaient être à l’abandon et à quoi ils pouvaient servir. Et c’est comme ça que j’ai découvert que c’était… c’était des forts qui étaient dédiés à… à soutenir les… les Français… qui avaient été construits avant la Première Guerre mondiale, dans les années 1880-90. Et… et donc en m’intéressant à… à ce sujet, j’ai… je suis rentrée dans la Première Guerre mondiale, et on dit souvent que c’est un virus, que…
Jessica : Oui.
Hélène : Il y a tellement, tellement de sujets qui peuvent être abordés dans… dans ce conflit… que ce soit les femmes, la santé, l’alimentation comme on l’a vu… mais même ça peut être l’armement, les uniformes… les différentes batailles… donc c’est vrai que… il y avait 46 pays en guerre pendant le… ce conflit donc on… on se rend compte vraiment de l’importance. Et… et c’est inépuisable donc…
Jessica : Hm.
Hélène : Donc c’est comme ça que j’ai… je suis rentrée dans le… la passion de la Première Guerre mondiale.
Jessica : C’est devenu une passion. Ouah. Bah je vous remercie beaucoup de l’avoir donc faite partager.
Hélène : Merci à vous !
Jessica : Et puis, bah je vous dis donc à… à très bientôt !
Hélène : À bientôt !
Jessica : Bonne journée, au revoir.
Hélène : Merci, également, au revoir.