Life of Jean de La Fontaine
PART 1
Jessica : Brigida Verstraete, bonjour et bienvenue sur French Voices !
Brigida : Bonjour Jessica ! Heureuse de vous entendre !
Jessica : Alors, merci beaucoup ! Ah ben oui, finalement. Mais on a eu du mal, hein. On s’est fixé des rendez-vous loupés[1], on a eu des problèmes de connexion. Mais nous y voilà ! Voilà ! Vous êtes la… la coordinatrice du musée Jean de La Fontaine, aussi responsable des… des visites et de l’accueil.
Brigida : Oui.
Jessica : Alors… bon Jean de La Fontaine, dans notre région, il est très très célèbre. Mais pour tous les auditeurs étrangers à qui le nom Jean de La Fontaine ne dirait rien, est-ce que vous pouvez le présenter, donc brièvement[2], on développera par la suite. Mais c’était qui ?
Brigida : Alors, Jean de La Fontaine est né à Château-Thierry. Au XVIIème[3] siècle, exactement en 1621. Et il est devenu célèbre dans le monde entier grâce à ses fables. Même s’il a écrit beaucoup, beaucoup de fables, hein, elles sont… 243 qui ont été publiées, il faut surtout pas oublier que Jean de La Fontaine a écrit aussi pour Nicolas Fouquet, le surintendant. Il a écrit de la poésie, il a commencé avec du théâtre. Et il a écrit, pour ne pas oublier aussi, les contes. Les contes libertins, les contes licencieux ou les contes interdits. Parce que les contes, ils étaient donc interdits par le roi. Et donc Jean de La Fontaine a vécu à Château-Thierry. Né à Château-Thierry, vécu à Château-Thierry et bien sûr aussi à Paris. Donc c’est un fabuliste.
Jessica : C’est un fabuliste.
Brigida : Un fabuliste.
Jessica : Poète et fabuliste. Alors, vous avez bien fait de préciser parce que c’est vrai que, ben moi y compris, de Jean de La Fontaine, on ne retient… enfin, le… l’idée que… que des fables en fait. Mais on sait… on ne sait pas qu’il a écrit d’autres, ou on sait moins qu’il a écrit donc d’autres types de… de textes.
Brigida : Oui. C’est surtout les contes, hm hm.
Jessica : Donc vous avez déjà… oui, surtout voilà, des contes et des fables. Ouais, ouais. Alors, oui, vous avez déjà mentionné un de ces contemporains Nicolas Fouquet, c’est celui qui avait le château de Vaux-le-Vicomte, n’est-ce pas ?
Brigida : Oui. Il était le surintendant des finances sous Louis XIV.
Jessica : Oui. Bah voilà, c’était l’époque…
Brigida : Oui, le Roi-Soleil[4].
Jessica : L’époque du Roi-Soleil. Ouais, hm hm. Louis XIV.
Brigida : Voilà, exactement. Enfin, quand Jean de La Fontaine, il est… il est né donc en 1621, soit le 7 juillet, soit le 8 juillet. Parce l’acte de baptême… acte de naissance n’était pas un acte de naissance comme aujourd’hui. Quand on naissait au XVIIème siècle, donc comme Jean de La Fontaine, l’enfant était… ou le bébé, le nouveau-né était amené immédiatement à l’église pour y être baptisé.
Jessica : Aah !
Brigida : Oui, parce que à cette époque-là, la mortalité infantile était très très élevée. Et donc un enfant devait être baptisé avant, au cas où il y avait un problème ou un décès.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et donc, ce n’était pas une cérémonie ou une fête comme aujourd’hui. On emmenait l’enfant à l’église, il était baptisé et monsieur le curé avait une deuxième fonction, et ça, c’était de faire l’acte de naissance. C’était pas exactement comme aujourd’hui, parce que bien sûr, on écrivait déjà avec la plume…
Jessica : Hm hm.
Brigida : Mais dans le musée, dans la maison natale de Jean de La Fontaine, vous allez trouver l’acte de baptême de La Fontaine. Et donc à partir de… de François Ier, on va écrire en français dans les églises. Avant les actes officiels etc., c’était en latin. Mais à partir de… de François Ier, et ça a aussi été décidé dans notre département, hein. À Villers Cotterets, dans le château de François Ier, ça va être donc décidé qu’à partir de là, on va écrire en français. Mais bien sûr que c’est écrit en vieux français, donc nous avons/nous savons que Jean de La Fontaine a été baptisé le 8 juillet en 1621. Maintenant, est-ce qu’il est né le 7 ou le 8, on ne le sait pas !
Jessica : Ah, d’accord. Peut-être le jour d’avant éventuellement[5].
Brigida : Éventuellement.
Jessica : Donc il est né dans cette maison, ouais. Il est né dans cette maison de… de Château-Thierry. Est-ce que vous pourriez décrire un peu le style de maison ? Est-ce que c’était très pauvre, populaire, ou une maison bourgeoise ? Elle est comment cette maison ? Et elle se situe où ?
Brigida : Oui, alors… la maison se situe au… aujourd’hui, c’est 12 rue Jean de La Fontaine, mais à l’époque, c’était rue des Cordeliers. Et le musée, donc la maison natale, il s’agit vraiment d’un très bel hôtel particulier[6]. Il y a sur les façades… vous allez trouver… des styles de… de la Grèce Antique, hein.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Donc vous allez trouver des chapiteaux corinthiens, des décorations doriques et… et ioniques. Et il y a même au-dessus de la porte d’entrée, il y a une frise florale… qui est très très jolie, décorée au-dessus de la porte d’entrée. Donc c’est un très très bel hôtel particulier. C’était les parents de Jean de La Fontaine qui avaient acheté cette maison au moment de leur mariage, soit en 1600… en 1617.
Jessica : Hm hm. Donc une famille assez aisée en fait ?
Brigida : Tout à fait. Et lorsque vous venez visiter la maison natale, vous allez aussi remarquer qu’il y a un puits[7].
Jessica : Oui.
Brigida : Il y a un puits dans la cour. Et le puits est aussi d’origine. Et le puits, ça montre tout de suite que c’est une famille aisée. La famille de La Fontaine avait pas besoin de chercher de l’eau au puits commun. Ils avaient leur propre puits.
Jessica : D’accord.
Brigida : Oui. Et quand vous rentrez donc dans la cour, vous voyez à votre gauche le puits, et il y a… en-dessous de la porte d’entrée, il y a un joli perron qui amène vers l’entrée du musée. Et en-dessous c’est une cave immense, bien sûr, pour stocker, à cette époque-là, la nourriture et le vin. Et à votre gauche, on trouve les dépendances. Alors, on appelait ça les dépendances parce que c’était l’écurie, le poulailler, le foin.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et quand on a observé tout cela, bon on prend le chemin pour aller dans le jardin. Parce que la maison a toujours eu un très joli petit jardin. Qui était certainement, à cette époque-là, un potager.
Jessica : Oui, donc… bon, ça révèle d’un certain statut social. Est-ce qu’on sait ce que… la profession qu’exerçaient ses parents ?
Brigida : Oui. Alors… le papa de Jean de La Fontaine, il était maître des eaux et des forêts.
Jessica : Ah oui !
Brigida : On peut dire que c’était un officier de la fonction publique. Aujourd’hui, pour graver… gravir les échelons dans le… dans la fonction publique, on va faire des concours.
Jessica : Hm hm.
Brigida : À cette époque-là, on achetait les charges. On appelait ça des offices. Et donc le père de Jean de La Fontaine avait racheté ces offices, il était maître des eaux et des forêts. C’était un poste très très important. Parce que par exemple, à cette époque-là, on mangeait beaucoup de… de poissons de rivière. À Château-Thierry, il y avait la Marne qui était le double de taille.
Jessica : Ah ! Et puis il y a toujours la Marne, oui, oui !
Brigida : Voilà. Et il y a toujours la Marne, tout à fait ! Et donc c’était lui qui… qui décidait qui avait le droit de pêche, le droit à pêcher, à quel prix il fallait le vendre. Pour le bois, encore beaucoup plus important. À cette époque-là, le bois était utilisé pour la construction des calèches, des maisons… on chauffait au bois uniquement. Et donc c’était le père de Jean de La Fontaine qui attribuait les parcelles, qui décidait à quel prix il fallait vendre, qui avait le droit.
Jessica : Oui.
Brigida : Et bien sûr tous ces gens-là payaient un droit de coupe, un droit de… de pêche à… au père de Jean de La Fontaine, qui s’appelait Charles de La Fontaine. Et lorsqu’on…
Jessica : Oui, donc c’était une fonction importante, en fait.
Brigida : Ah très importante. Et lorsque le père de Jean de La Fontaine il en a hérité… et lorsque.. on pouvait vendre aussi ces offices, hein. Mais à cette époque-là, quand on vendait, il fallait payer un pourcentage au roi.
Jessica : Hm hm. D’accord.
Brigida : Voilà. Donc c’est un poste vraiment très très important. Oui.
PART 2
Jessica : Important. Et alors ce petit Jean de La Fontaine, qu’est-ce qu’on sait sur lui, sur ce qu’il aimait, sa personnalité… son enfance, est-ce qu’on sait beaucoup de choses ?
Brigida : Pas énormément. On a compris que Jean de La Fontaine, il a… il aimait beaucoup, beaucoup lire. Il lisait énormément. Dans le musée, vous allez aussi trouver quatre volumes de livres qui forment un seul livre, c’est « L’Astrée ». C’est un livre qui donc est… qui comporte plus de 5000 pages.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et Jean de La Fontaine l’a lu plusieurs fois. Et donc… c’était vraiment la lecture. Il aimait beaucoup, beaucoup lire. Aussi la poésie. Il parle de la poésie de Malherbe et… donc ça il aimait. Il aimait bien jouer aux cartes aussi. Et… ce qu’il aimait bien aussi, ben c’était sortir avec les jeunes filles. Voilà.
Jessica : Hm. Oui. Oui, il a écrit des… donc des contes libertins donc il était quand même assez… il aimait le flirt quoi.
Brigida : Ah, il aimait le flirt, oui.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et il était très très ouvert sur le… il était très ouvert sur ce sujet, hein.
Jessica : Ouais, d’accord. Et… et est-ce qu’il était célèbre de son temps ? Parce que des fois les artistes… par exemple, les peintres etc., ils trouvent la notoriété bien après leur mort et ne sont pas forcément reconnus de leur vivant. Alors, est-ce qu’il était célèbre de son temps ? Et aussi, est-ce qu’il vivait bien de sa plume, à l’époque ?
Brigida : Alors, il ne pouvait vivre de… de sa plume. Parce que à cette époque-là, le droit d’auteur n’existait pas. Le droit d’auteur est venu en 1793 exactement.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et donc il ne pouvait vivre. Mais tous les artistes au XVIIème siècle, soit que c’était des graveurs, des peintres, des écrivains, ils étaient toujours à la recherche d’un protecteur. Et un protecteur, on peut le comparer aujourd’hui à un mécène.
Jessica : Un mécène, hm hm.
Brigida : C’est-à-dire que c’était quelqu’un qui vous protégeait financièrement. Et en contrepartie, donc notre poète écrivait pour son protecteur ou sa protectrice.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et donc Jean de La Fontaine a été toujours à la recherche de ça. Donc il a pas pu vivre. Jean de La Fontaine, quand il va écrire les contes, parce que il a é/bien écrit les contes avant les fables, hein…
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et pour cette raison aussi, il n’a pas été accepté immédiatement à l’Académie Française. Donc ça, c’était les contes dans lesquels Jean de La Fontaine… il ridiculise, il rigole, il s’amuse. Parce qu’il avait lu beaucoup de fables du… du Moyen-Âge. Et sur… sur toutes sortes de sujets hein. Des nonnes dans un couvent ou sur des prêtres, sur des… des hommes trompés, des femmes trompées.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Voilà, il fait des contes là-dessus et donc pour cette raison-là, il n’a pas été accepté à l’Académie Française.
Jessica : Oui, au niveau moral, c’était un… au niveau des mœurs, c’était un petit peu… de mauvais goût pour eux, en fait.
Brigida : C’est-à-dire que le libertinage a… a existé avant Jean de La Fontaine, hein. Mais le XVIIIème va être vraiment le… le siècle du libertinage avec Rousseau, Sade.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Mais Jean de La Fontaine, il en parlait déjà, il s’est aussi inspiré d’autres écrivains qui avaient écrit des contes ou… sur ce sujet avant lui.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Mais Jean de La Fontaine n’était pas du tout vulgaire dans les contes. Il n’était pas grossier, au contraire.
Jessica : Ah !
Brigida : Il a écrit ça avec… avec beaucoup de style. Parce qu’au XVIIème siècle, hein, il était très très important de bien s’exprimer, de bien parler. Et tous ceux qui savaient bien parler, bien s’exprimer avaient tout le pouvoir. Et donc ce n’était pas uniquement en… en étant écrivain mais aussi c’était valable pour des juges, des notaires…
Jessica : Ah oui.
Brigida : Oui, tout à fait, oui. Il y avait même les sermons de Bossuet, qui étaient très très connus. Et les gens venaient de loin pour écouter Bossuet. Et le Général de Gaulle, il prenait pour modèle, pour les discours… Bossuet.
Jessica : Oui, et dans les salons à la cour, j’ai un petit peu… j’ai oublié, je crois qu’il y a une expression pour ça où on… essaie de… c’est un petit peu des joutes verbales de… de bien-parler. Qu’on voit dans le film d’ailleurs « Ridicule »[8], je crois.
Brigida : Hm hm.
Jessica : Je sais plus comment ça s’appelait. L’art de…
Brigida : L’art de s’exprimer. L’art de la conversation.
Jessica : Oui de la… oui, c’est vrai. L’art de la conversation, ouais, ouais. Donc…
Brigida : Exactement. Donc on venait dans un… dans des salons et il y avait… c’était presque un concours, hein, pour bien parler, pour bien s’exprimer. Et ça, on retrouve chez de La Fontaine.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Il s’est très très bien exprimé. Il était donc pas du tout vulgaire. Même sur ces sujets-là, il est resté… c’est très très bien écrit. Je vous invite à le lire (rires).
Jessica : Ah oui, alors justement… bon on mettra le… le lien vers le site internet de la maison de Jean de La Fontaine[9] dans les… dans les notes de l’épisode.
PART 3
Jessica : J’ai vu que donc il y avait… je sais pas s’il y a la totalité des fables d’ailleurs mais on peut lire les fables en ligne. Alors, c’est un petit peu du vieux français, oui, c’est parfois un petit peu difficile à comprendre. Avec un dictionnaire, on peut s’en sortir, pour les étudiants de français d’un niveau avancé, ça peut être des textes intéressants. Oui, on va revenir un petit peu sur… sur ces fables. Vous avez quand même dit qu’il y avait 243 fables qui ont été… donc recensées. Déjà, comment expliquer le succès de ces fables qui ont pour personnages d’ailleurs souvent, très souvent, des animaux. Qu’est-ce qui plaît dans ces fables ?
Brigida : Je pense effectivement que c’était le fait que Jean de La Fontaine a utilisé des animaux. Mais on peut se poser la question : pourquoi Jean de La Fontaine a-t-il encore écrit des fables ? Parce que les fables existaient déjà.
Jessica : Hm hm.
Brigida : C’est pas lui qui les a inventées, hein.
Jessica : Qui a inventé le genre…
Brigida : Oui, Jean de La Fontaine, il s’est inspiré des autres hein. Il va appeler Ésope mon maître. Et de Phèdre. Il y a eu le Pañchatantra, un ensemble de fables indiennes. Et donc Jean de La Fontaine, il a… il a répondu à cette question, hein, pourquoi a-t-il écrit des fables ? Il a dit : « Je me sers des animaux pour instruire l’Homme[10] ». Donc il voulait nous enseigner, il voulait nous apprendre, il voulait nous instruire. Il va mettre en garde ses lecteurs contre les vaniteux, les flatteurs, les orgueilleux. Et les… l’allégorie des animaux lui permettait de dire ce qu’il avait envie de dire, de critiquer sans en subir les… les conséquences. Donc ça veut dire… l’ordre qui était établi, à cette époque-là.
Jessica : Oui. Oui, oui, oui. Parce que… donc ce sont quand même des… un petit peu des satires. Donc je me demandais en fait si… peut-être le… le roi ou la cour pouvaient se… de retrouver peut-être dedans, se sentir visés. Et puis peut-être s’attirer… et Jean de La Fontaine, s’attirer les foudres de… de cette noblesse-là qu’il… qu’il critique souvent. Est-ce que c’était le cas d’ailleurs ? Est-ce qu’il était mal vu ?
Brigida : Jean de La Fontaine a… a… si on peut… oui, il a critiqué toute la société, hein, du XVIIème siècle. Mais il met surtout en garde les lecteurs. Et quand on nous pose la question, est-ce qu’il a critiqué le roi ? Parce qu’attention, au XVIIème siècle, le roi représentait Dieu sur Terre donc… mais oui, on répond oui parce que Jean de La Fontaine a critiqué Louis XIV. Mais bien sûr indirectement.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Il l’avait jamais nommé Louis XIV ou quoi que ce soit. C’était souvent par les animaux. Et les animaux qui étaient utilisés le plus souvent dans… dans ses fables, c’était souvent le loup, le renard, le chien, le lion.
Jessica : Oui.
Brigida : Voilà, c’est… ce sont les… les animaux qu’il utilise le plus souvent.
Jessica : Aah ! C’est les plus récurrents, oui.
Brigida : Mais ce n’est pas uniquement la cour qu’il a… qu’il critique… dans les fables, hein. Il parle de… de beaucoup d’autres choses. Parce que souvent quand même, on trouve une morale, c’est quelque chose qu’on va retenir d’une… d’une fable. Il voulait nous enseigner.
Jessica : Oui, bah oui le… le propre de la fable, c’est toujours… donc la… la petite morale à la fin de… de cette fable. Alors il y a des fables qui sont plus célèbres que d’autres. Laquelle diriez-vous est la plus célèbre d’ailleurs ? Votre opinion dessus ?
Brigida : Je pense et je suis quasiment sûre là-dessus que c’est « Le Corbeau et le Renard. »
Jessica : Ah oui ! Hm hm.
Brigida : Oui. « Le Corbeau et le Renard » était la deuxième fable de Jean de La Fontaine. On la trouve dans le livre N°1. La première fable de Jean de La Fontaine était « La Cigale et la Fourmi ». Mais…
Jessica : Ah oui !
Brigida : Mais pour une raison… ou une autre, et parce qu’à chaque fois, les… les enseignants nous… nous disent : « Ah bah voilà, on a choisit « Le Corbeau et le Renard » ». Ça, c’est vraiment une fable qui est enseignée dans quasi toutes les écoles.
Jessica : Bah oui, c’est marrant parce que c’est les… les deux fables que vous mentionnez, « Le Corbeau et le Renard » et « La Cigale et la Fourmi », ce sont les deux seules que je connais absolument par cœur. Il y a aussi « Le Lièvre et la Tortue » qui est célèbre. Mais là, par contre de… de mémoire, il me manque des… des petits passages. Donc… mais je pensais que vous alliez dire « Le Lièvre et la Tortue » pour… je ne sais pas pour quelle raison mais…
Brigida : Parce qu’elle est très connue. Oui, bien sûr. Mais la fable vraiment que tous les enfants, quand ils viennent au musée… c’est tout de suite « Le Corbeau et le Renard ».
Jessica : « Le Corbeau et le Renard », ouais, ouais.
Brigida : Oui, oui.
Jessica : Alors… ouais. Donc moi j’ai grandi à 20 kilomètres, hein, de… de Château-Thierry et donc c’est que à l’école, on apprenait[11] toujours des fables de La Fontaine. Donc les enfants le font toujours, même encore maintenant ?
Brigida : Heureusement !
Jessica : Ouais.
Brigida : Oui, tout à fait. Et heureusement, hein.
Jessica : Il y a eu tellement de réformes à l’école que je sais pas si la poésie se faisait encore, hein, parce que… c’est aussi controversé de faire apprendre… un petit peu du… le par cœur. Je m’étais dit… ça m’étonnerait pas que la poésie soit supprimée. Mais non, vous me dites que les… c’est encore appris[12] dans les… dans les écoles.
Brigida : Oui, on… on parle encore toujours de Jean de La Fontaine. Et surtout les fables. Les enfants qui viennent au musée ne connaissent pas les contes.
Jessica : Hm.
Brigida : Et souvent, ils ont… la visite a été préparée par leur enseignant sur les fables.
Jessica : Eh oui. Ouais.
Brigida : Et donc on va rester toujours sur les fables et on parle pas souvent des contes, hein. Les contes libertins sont vraiment un petit peu mis de côté. Malgré… malgré le fait que pour moi que c’est quand même très très important.
Jessica : Hm.
Brigida : Parce que Jean de La Fontaine, il va avoir un petit peu… disons que ça va être un… un cas de conscience pour lui après. Parce que Jean de La Fontaine, il avait donc écrit ces contes et après, il va… tomber malade[13]. Et gravement malade. Et donc il avait demandé conseil à son meilleur ami, qui était François de Maucroix. Un ami de toujours, ils étaient ensemble à l’école, ils avaient fait la Fronde ensemble. Et… François de Maucroix était même le parrain de son fils. Jean de La Fontaine a eu un seul enfant, un fils[14] et donc c’était son parrain. Et donc en disant : « Oui j’ai écrit les contes, mais comment je vais me défendre devant Dieu ? ».
Jessica : Aah !
Brigida : Ah oui !
Jessica : Ça posait un problème d’éthique.
Brigida : Parce que mettez-vous au XVIIème siècle !
Jessica : Hm hm.
Brigida : Ah oui, mettez-vous au XVIIème siècle, Jessica, c’est… c’était très très important, hein. Et si… à cette époque-là, le… notre passage sur Terre n’était que travailler, bien faire pour aller au… au-delà. Au paradis parfait.
Jessica : Au paradis. Il avait peur que ses contes libertins le… l’empêchent d’accéder au paradis en fait ?
Brigida : Exactement.
Jessica : Hm hm. Hm hm.
Brigida : Oui, oui, oui. Il avait très très peur quand il était très malade et il pensait qu’il allait mourir.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et donc il va… il y a, donc après quelques mois, il y a un abbé qui s’appelle Abbé Pouget, qui va aider Jean de La Fontaine dans ce sens que il va… parler avec notre poète, il va le faire confesser.
Jessica : Hm hm.
Brigida : Et il va obtenir de Jean de La Fontaine que Jean de La Fontaine, il va demander publiquement pardon d’avoir écrit les contes. La famille royale…
PART 4
Jessica : Et après il a arrêté du coup et puis il s’est reconverti dans les fables pour plus que ça arrive, c’est ça ?
Brigida : Ah non, non, non.
Jessica : Non ?
Brigida : Non, non, non. Parce qu’il avait écrit les contes donc avant les fables, il était toujours en très bonne santé. Il avait 47 ans quand il a commencé à écrire des fables. Et donc… mais c’était vers 1693 ou 92 qu’il est tombé malade. Et c’est là qu’il commence vraiment à s’inquiéter.
Jessica : D’accord.
Brigida : Et donc quand il a renié les contes, la famille royale était tellement heureuse qu’ils ont payé Jean de La Fontaine 50 Louis d’or[15], qui est une belle somme pour l’époque et après… mais Jean de La Fontaine n’est pas dé/n’est pas mort à cette époque-là. Au contraire. Il a… il avait retrouvé sa santé et… par contre, quand il est décédé, il est décédé le 13 avril en 1695, ils ont trouvé Jean de La Fontaine avec un cilice.
Jessica : Avec un quoi ?
Brigida : Avec un cilice. Donc il faut…
Jessica : Un cilice ?
Brigida : Un cilice. Il faut que je vous explique qu’est-ce que c’est.
Jessica : Oui.
Brigida : Un cilice, je vais vous expliquer ça au présent parce que ça existe encore mais… c’est pratiqué beaucoup, beaucoup moins. Un cilice, Jessica, c’est une pratique religieuse, hein, qui consiste à s’imposer volontairement une souffrance. Et donc…
Jessica : Ah d’accord !
Brigida : Oui. Et donc à cette époque-là, c’était souvent une ceinture. On mettait une ceinture avec des clous autour de sa taille et on la serrait très très fort. Donc…
Jessica : Ouh ! D’accord.
Brigida : Oui ! Ou bien c’est un maillot de corps, d’une étoffe, d’un tissu très rude qui vous ouvrait la peau. On se flagellait aussi. Et… donc voilà. Donc vous pensez que vous avez fait des choses qui étaient pas très bien sur Terre. Avant d’aller dans l’au-delà, il fallait…
Jessica : Expier… c’était un moyen de… voilà d’expier les péchés…
Brigida : De pénitence.
Jessica : Ah oui, de pénitence. D’accord.
Brigida : Voilà. Mais…
Jessica : Très bien. Alors comme on va arriver… pardon mais vous voyez, l’heure passe… passe vite. Vous aviez un petit peu le… le trac avant je crois, mais finalement on arrive déjà à la fin de notre interview.
Brigida : D’accord.
Jessica : Donc une petite question personnelle avant de terminer. Est-ce que vous avez une fable préférée, vous ?
Brigida : « Le Lièvre et la Tortue. » Oui (rires).
Jessica : « Le Lièvre et la Tortue » ?
Brigida : « Le Lièvre et la Tortue ». Oui, je réfléchissais vite fait parce que… je… j’en connais bien sûr… les fables.
Jessica : Beaucoup.
Brigida : Oui, oui, oui beaucoup. Et je me dis : « Oh c’est laquelle ? » Bah je… oui, c’est quand même « Le Lièvre et la Tortue » (rires).
Jessica : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ».
Brigida : À point. Voilà.
Jessica : Bah écoutez, je vous remercie… on pourra… on pourra poursuivre cette conversation lors de mon prochain passage à la maison de Jean de La Fontaine. Faut préciser que là… j’y suis allée, j’y ai emmené mon bébé, j’y ai emmené mon mari. Je voulais montrer et puis… voilà, parce que ça évoque beaucoup de… de souvenirs d’enfance et c’était important pour moi donc d’essayer de vous inviter sur French Voices pour faire connaître aussi cet auteur, ben finalement qui a… bercé mon enfance et qui est tout un… une part de la… de la culture et de la… de la littérature française. Donc…
Brigida : Tout à fait.
Jessica : Je vous remercie de m’avoir permis de le faire et j’espère que ça donnera envie donc aux auditeurs de French Voices de… de découvrir un peu les fables. Et puis alors les contes puisque c’est un… une partie importante de… de Jean de La Fontaine.
Brigida : C’est beaucoup moins connu. C’est beaucoup moins connu.
Jessica : Ouais.
Brigida : Mais ça sera avec grand plaisir… allez-y.
Jessica : Et venez… oui. Je les invite à venir visiter la maison Jean de La Fontaine s’ils passent en France.
Brigida : Tout à fait.
Jessica : On est vraiment pas très loin de Paris. En train, on est vraiment à… allez, 50, 55 minutes, hein, de train.
Brigida : C’est ça, c’est ça.
Jessica : Voilà. Et puis vous allez voir plein d’objets de collection, de peinture et de broderie qui… avec des fables illustrées. Vous pourrez aussi acheter… bah il y a beaucoup de… de livres, même des livres pour enfants.
Brigida : Tout à fait.
Jessica : Sur les fables de La Fontaine.
Brigida : Où on explique les fables. Oui, les fables sont expliquées aux enfants…
Jessica : Et même, voilà. Ouais, ouais, ouais.
Brigida : On en a aussi quelques livres en anglais ou… en allemand. Mais ce sera quand même bien de les lire en français.
Jessica : Bah oui parce qu’on perd la saveur du… du choix des mots, des rimes etc. Et faut essayer, si possible, de lire les… les textes originaux. Mais c’est vraiment une… une belle visite, hein, qui est très bien faite avec un audioguide. Donc dans la langue… que… que vous parlerez. Donc… passez à la maison Jean de La Fontaine et puis dites bonjour de… de ma part aussi. Brigida… je vous remercie.
Brigida : Oui. Merci à vous Jessica c’est avec grand plaisir et nous accueillerons toujours avec plaisir vos étudiants.
Jessica : Voilà, mes étudiants du monde entier qui nous écoutent en podcast.
Brigida : Du monde entier, oui, tout à fait. Mais l’œuvre de Jean de La Fontaine est universelle.
Jessica : Oui. Oui, oui, elle a été traduite. D’ailleurs, on voit dans… dans la maison Jean de La Fontaine des traductions même en… en chinois, j’ai vu d’autres langues aussi.
Brigida : En arabe…
Jessica : En arabe.
Brigida : En japonais…
Jessica : Mais oui !
Brigida : En allemand. La première traduction était en anglais.
Jessica : En anglais ? Bah voilà.
Brigida : En anglais. Voilà (rires).
Jessica : Bon alors écoutez, à la prochaine. Je vous souhaite…
Brigida : Avec grand plaisir, Jessica, merci à vous !
Jessica : Tout le meilleur. Au revoir !
Brigida : Au revoir Jessica !