Part 2 – Pierre-Marie Dupré : Writing French Comedies for Theatre
PART 1
[…]
Jessica : Ouais. Alors, il y a une autre chose qui est particulièrement plaisante quand on regarde vos… vos pièces, c’est que… donc… d’une pièce à une autre, on retrouve souvent donc les… les mêmes comédiens, donc vous avez une vraie troupe de…
Pierre-Marie : Oui.
Jessica : C’est vraiment des pro, ils sont bons, hein. Ils sont extra[1], et c’est un plaisir de les… de les retrouver. Alors, comment se passe la… la distribution des rôles ? Est-ce que… ils ont des… personnalités qui se prêtent à… tel ou tel rôle ou… comment est-ce que vous décidez ?
Pierre-Marie : Non. Voilà, ça se décide toujours de la même façon. C’est-à-dire que on fonctionne un petit peu comme la Comédie Française, il y a des sociétaires et des pensionnaires. Et ce sont des personnes qui forment une compagnie qui est réduite, donc à sept voire huit personnes. Et il faut attendre qu’il y en ait une qui parte pour qu’il y en ait une qui rentre.
Jessica : Ah ! D’accord.
Pierre-Marie : Voilà. Donc forcément, déjà dans l’écriture, j’écris déjà pour beaucoup d’acteurs. Parce que quand on est auteur et qu’on est obligé d’écrire, comme pour la prochaine, pour huit personnages : cinq femmes… six femmes, pardon, six femmes, deux hommes… déjà, on ne part pas, si vous voulez, avec le champ libre. On a déjà…
Jessica : Vous écrivez avec ces contraintes à l’avance.
Pierre-Marie : Ah oui !
Jessica : Vous savez déjà qui va les jouer, d’accord.
Pierre-Marie : Et puis sous la contrainte, voilà.
Jessica : C’est pas vous écrivez, ensuite vous distribuez.
Pierre-Marie : Non.
Jessica : Hm hm.
Pierre-Marie : Non. Non, non. Et puis je suis même presque obligé de compter les tirades parce que vous savez les comédiennes entre elles vont… vont s’amuser…
Jessica : Ah, pour qu’ils aient le même temps de parole…
Pierre-Marie : Absolument, il faut pas qu’il y en ait une plus… ou alors, je suis obligé de tourner, c’est-à-dire je dis, bon, cette année euh… bon, il y a un tel en tête d’affiche, la prochaine fois, je tournerai. Mais en règle générale, ce sont des statuts, voilà, des statuts par ancienneté, par… pas par affinité puisque la compagnie… mais par… par, si vous voulez, par ancienneté, principalement. Voilà. Donc, ce sont des… des comédiens qui ne sont pas des comédiens dans la vie. Qui ont tous une profession. Mais qui considèrent le théâtre comme leur second métier.
Jessica : Hm hm. Oui, ce sont des donc des… alors quand je dis ils sont pros, c’est-à-dire qu’ils sont… c’est dans le sens, ils sont excellents, mais ce ne sont pas des professionnels. Ce sont des amateurs[2]. Voilà, voilà.
Pierre-Marie : Non, ils ne vivent pas[3]… ils ne vivent pas, voilà. On ne vit pas de cela, voilà. On ne vit… à chaque fois qu’on joue une représentation ou quoi, nous ne sommes pas payés, voilà. Donc, ça nous permet, justement, cette liberté. Alors, le protocole est le même là aussi, c’est-à-dire que quand la pièce est terminée, je réunis l’ensemble des comédiens et lors d’un… dînatoire, peu importe, d’un repas ou de… d’un apéritif, ensuite, il y a la lecture de la pièce. C’est-à-dire que je lis la pièce et ensuite, ils repartent avec le script ou alors le… dans la semaine, ils ont le script. Mais on se retrouve toujours pour la lecture de l’auteur.
Jessica : Ah ! Ah bah c’est vous qui faites tous les rôles en même temps, bah vous devez parler pendant presque deux heures du coup !
Pierre-Marie : C’est ça ! Oui, oui, oui, oui. C’est comme à l’ancienne, comme quand… oui, absolument. Quand dans les… les anciennes compagnies au Moyen-Âge où c’était le… l’auteur qui lisait aux comédiens parce qu’ils savaient pas tous lire, ce qui n’est pas le cas bien sûr (rires).
Jessica : Oui, bah c’est… bah oui pour apprendre le texte, c’est même mieux qu’ils… qu’ils sachent bien lire hein (rires).
Pierre-Marie : Voilà, donc c’est vrai que c’est toujours un plaisir. Et puis c’est un plaisir pour moi de voir leur réaction.
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Parce que ça va être le… le premier public. Si je sais que mes comédiens rient ou s’amusent, je sais que forcément le public va rire. Encore que. Il m’est arrivé de passer des jeux de mots ou des… des situations qui sont passés sous silence et je savais pourtant qu’il y aurait un impact sur le public et le public m’a donné raison.
Jessica : Aah !
Pierre-Marie : Dans la mesure où l’écriture d’une pièce, c’est pas que de l’imagination, c’est pas que l’inspiration[4]. Il y a un côté technique dans l’écriture d’une pièce, comme par exemple dans une écriture filmique, c’est-à-dire qu’il y a des moments où on est obligé de doser une trame avec si vous voulez une… des… des scènes bien sûr, mais des périodes où si par exemple, on va être un peu trop explicatif, il faut tout de suite relancer sur une situation comique, une situation de quiproquo, voilà. Ou alors il faut laisser le temps au public…
Jessica : Hm, pour le rythme de la pièce. Hm hm.
Pierre-Marie : Le rythme, voilà. Et le rythme, c’est aussi bah avec l’expérience. C’est mon métier qui m’a appris l’écriture et c’est vrai qu’au début, bah j’écrivais parce que j’écrivais parce que voilà. Mais on se rend compte par la suite que si on veut qu’une pièce fasse mouche, il faut qu’elle dure un certain temps…
Jessica : Hm hm.
Pierre-Marie : Il faut qu’il y ait pas de temps morts, et s’il y en a pour X raison, comme des scènes d’amour, des scènes explicatives, des messages bien précis, il faut tout de suite corriger le tir si on veut rester en tout cas dans l’esprit de la comédie.
Jessica : Oui. Et puis pour garder l’attention du public, repartir en fait.
Pierre-Marie : Oui, oui, oui, absolument.
Jessica : Alors, justement est-ce que après la lecture, enfin, pas entre les deux représentations parce que vous n’avez pas le temps, vous… vous réajustez un petit peu, vous… vous réadaptez le texte un peu ?
Pierre-Marie : Oui. Oui, je vous… vous savez pour la pièce que vous avez vue donc dernièrement « Des Gommages Corporels »…
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Il y a eu trois fins différentes.
Jessica : Ah bon !
Pierre-Marie : C’est-à-dire il y a eu… la première fin que j’avais donc terminée, et puis il m’a fallu un temps… il faut à peu près un mois entre le moment où la pièce est terminée et la première lecture avec les comédiens. Et entre temps, je n’étais pas satisfait de… de la fin. Donc j’ai réécrit une autre fin. Et une fois terminée, donc on a répété… et au milieu de… de la pièce, j’ai dit : « Non, non, on… je vais réécrire encore une fin ». J’ai rajouté encore cinq pages et en fait, puisque vous avez vu la pièce, normalement la pièce devait se terminer euh… justement lorsque nous sommes tous les trois avec Sylvie de Chazeron, Sylvie Bauduin et moi-même, où je dis : « J’ai peur que le coffre de Jean-Pierre Foucault[5] ne soit pas assez grand ». Et là, pof, ils devaient dire… et tout ce qui suit après bah c’est deux fins différentes, deux fins rajoutées pour arriver finalement à la dernière tirade qui fait mouche. Mais il a fallu du temps, voilà. Bon, c’est rare, mais ça m’arrive de plus en plus de… de rajouter. Pour « Portes Closes » qui sera jouée[6] au mois de novembre, la même chose. J’ai rajouté six pages, là, dernièrement[7], c’est-à-dire qu’on avait terminé les répétitions et puis j’ai dit : « Non, la fin ne me convient pas », donc j’ai rajouté six pages, qu’on attaquera dès le mois de septembre.
Jessica : Bah oui alors c’est… ça montre que c’est vraiment de l’art donc l’artiste insatisfait retouche son travail.
Pierre-Marie : Oui, oui.
Jessica : Comme les chanteurs… ouais, j’ai entendu que les chanteurs, quand ils s’entendent à la radio des fois, ils sont… « Oh non », enfin ils… ils aimeraient bien changer un petit peu leurs chansons, ils trouvent que c’est pas parfait.
Pierre-Marie : Oui. Nous, on a cette chance justement de pouvoir… justement… après bon, quand c’est joué… non, il m’est jamais arrivé de… de dire : « Non tiens, j’aurais dû[8]… ». Bon après en fonction du temps, et en fonction de… de la reprise d’une pièce de théâtre, c’est vrai que je modifie. D’abord parce qu’il y a des choses qui ne sont plus d’actualité. Et puis vous savez, par exemple quand j’ai commencé à écrire, dans les premières pièces, « Au Dernier des Mac’Twins » etc., il n’y avait pas de portables[9]. Donc nous étions obligés d’écrire avec ce qu’on appelle le téléphone fixe, donc la mise en scène… la mise en scène dépendait finalement d’un téléphone qui était fixe…
Jessica : Aah ! Ah oui d’accord !
Pierre-Marie : Il n’y avait aucun déplacement possible. Avec la possibilité d’avoir le téléphone portable, donc autour… ça change complètement la mise en scène. Et donc, ça ne mobilise plus le comédien comme on le faisait avant. Donc c’est vrai que quand je revois les mises en scène passées qui ont plus de 20 ans, je dis : « Mon dieu, que c’est mou, que c’est long, que c’est laborieux ». Parce que finalement c’est vrai que le… l’époque voulait ça.
Jessica : C’est intéressant !
Pierre-Marie : Et aujourd’hui, tout va tellement plus vite, tout va tellement plus rapidement, on a tellement à notre disposition de moyens mnémotechniques, de moyens auditifs, de… de choses incroyables… que bah tout va plus vite. Même le temps, on dirait que le temps s’accélère. Donc bah nous on suit, c’est-à-dire qu’on est dans cette lignée, dans cette mouvance et donc bah si vous voulez, la mise en scène s’en trouve accentuée, s’en trouve enrichie aussi. Et je pense que bah peut-être que dans 20 ans, quand je reverrai, si Dieu me prête vie, les… les mises en scène de « Des Gommages Corporels » qui marchent à 100 à l’heure[10], bah je me dirai : « Oh là là, dis donc, il y a des choses… ». Voilà. Donc vraiment, c’est une écriture qui dépend de…
Jessica : Qui s’adapte à sa période, à son temps… ouais.
Pierre-Marie : Qui s’adapte. Absolument.
PART 2
Jessica : Alors, justement, vous parlez de moyens mnémotechniques[11], est-ce que… comment ça se passe quand vous oubliez votre texte ? Est-ce que vous improvisez ou… ? Ça doit arriver…
Pierre-Marie : Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Non, nous n’avons pas le droit à l’erreur. C’est-à-dire que les répétitions se font évidemment pendant de très longues dates. Ça nous arrive des fois d’avoir un… d’avoir un petit trou de mémoire mais bon on essaie toujours de combler. Parce qu’il n’y a plus de souffleur au théâtre déjà depuis fort longtemps. Au théâtre…
Jessica : Ah bon ?
Pierre-Marie : Ah oui. Le souffleur n’existe plus. Le trou du souffleur en tout cas n’existe plus. Donc nous… je pense que nous vivons sur la crainte du metteur en scène, où je leur dis : « S’il y en a un qui se loupe, je le tue sur scène ». Donc je pense que… (rires).
Jessica : Ça met pas du tout la pression…
Pierre-Marie : Je pense qu’il y a une pression (rires). C’est vrai… non je plaisante. Mais c’est vrai que… anecdote, anecdote. Sylvie de Chazeron, qui est ma plus ancienne partenaire au théâtre… je vous assure que quand on a quelque chose, bon, un petit trou ou… bon des choses qui… voilà, des petites angoisses, bah on arrive à se transmettre avec les yeux le texte.
Jessica : Ah bon !
Pierre-Marie : C’est incroyable, hein !
Jessica : Ah oui, alors ça fait comme un prompteur en fait, vous avez le texte qui s’écrit dans vos pupilles…
Pierre-Marie : Absolument, c’est incroyable ! Bon c’est sûr que peut-être les gens riront peut-être en entendant ça…
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Mais je vous assure que ça… et les comédiens redoutent toujours l’attitude… c’est vrai, mon attitude… quand je fais ce qu’ils appellent des narines dilatées, bon c’est… ouh là là… il y a quelque chose qui va… donc j’essaie de faire très attention pour ne pas perturber leur jeu parce que le fait de mettre plusieurs casquettes… bon quand je suis sur scène, je suis sur scène. Mais on ne m’enlèvera pas le fait quand même du rôle du metteur en scène. Et quand il y a quelque chose qui ne va pas, mon dieu, vous êtes en souffrance. Alors, vous devez continuer à jouer…
Jessica : Mais bon, ça fait un petit peu… ouais, c’est comme travailler sans filet, quoi vraiment… ouais.
Pierre-Marie : C’est sans filet. C’est ça qui est formidable contrairement au cinéma. Puisque j’ai eu la possibilité aussi de… de faire des études cinématographiques. On n’a pas… bon c’est autre chose, hein, attention. Mais on n’a pas du tout, du tout les mêmes ressentis quand on fait un film que quand on fait une pièce de théâtre. Et chaque soir, c’est différent, de toute façon. La perfection n’existe pas scéniquement. Chaque soir, il y aura un petit raté, il y aura quelque chose qui fait que la pièce est unique. Et différente, voilà.
Jessica : Oui, oui, oui.
Pierre-Marie : Et c’est ce qui nous… c’est ce qui nous plaît. Et puis, ne nous leurrons[12] pas. Ne nous leurrons pas. On ne fait pas du théâtre parce que les choses vont bien, on fait du théâtre parce que ça ne va pas, parce qu’il y a quelque chose qu’on n’accepte pas, parce qu’on veut briller. Donc pendant une semaine, c’est-à-dire les cinq jours de répétition, plus les deux représentations, on est les rois du monde.
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Donc ça, c’est un sentiment… eh oui, c’est un sentiment que… qu’on retrouve nulle part ailleurs.
Jessica : Ah c’est beau ! Ouais, c’est vraiment la passion qui parle, là. Qui s’exprime.
Pierre-Marie : Bah disons que… c’est vrai que après je pense surtout à mes comédiens qui lorsque les… les lampes s’éteignent, lorsque le public a fini d’applaudir retrouvent l’anonymat, même s’ils sont maintenant connus dans la région etc., qu’on les reconnaît.
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Mais qu’ils retrouvent leur profession. Moi, j’ai cette possibilité de me dire, bon, c’est pas grave, c’est fini, mais ça y est, je recommence quelque chose d’autre et de… de rester dans le bain, vous voyez. Et puis dans… dans l’enseignement aussi. Puisque quand j’enseigne à mes élèves l’art dramatique, c’est à chaque fois du théâtre pour moi. Tous les… tous les soirs, donc je… mais vous imaginez pour un comédien qui doit attendre, donc qui joue deux fois dans l’année, qui doit attendre tout ce temps…
Jessica : Ouais, l’impatience.
Pierre-Marie : Et ça devient une drogue, voilà, ça devient une drogue.
Jessica : Eh ben oui, j’allais dire, vous êtes accro. J’ai l’impression que le théâtre, en vous entendant parler, c’est votre nicotine en fait.
Pierre-Marie : Oui, oui, oui. Oui, parce que je ne fume pas, je ne bois pas donc c’est ma nicotine. C’est… c’est d’ailleurs pour ça que je fume pas (rires). J’ai trouvé dans le théâtre…
Jessica : Pas besoin. Le théâtre est bon pour la santé en tout cas donc…
Pierre-Marie : Absolument (rires).
PART 3
Jessica : Alors j’ai une… alors, je suis consciente du temps, on a déjà un petit peu débordé mais une question, une dernière question qui me paraît en plus importante par rapport à… donc à mon public des…
Pierre-Marie : Je vous écoute, ouais.
Jessica : Mes auditeurs sont des… donc des étudiants étrangers qui parfois… me disent, hein, qu’ils… bon ils ont… comment on dit… ils sont self-conscious, c’est-à-dire ils ont…
Pierre-Marie : Ils veulent garder leur… leur maîtrise, ils ont… ils ont des problèmes de… de maîtrise.
Jessica : Voilà, ils ont un petit peu peur de se lancer,[13] de…
Pierre-Marie : C’est normal !
Jessica : Ils ont le trac en fait avant de parler français. Normal.
Pierre-Marie : Bien sûr, il faut avoir le trac.
Jessica : Voilà. Donc vous avez le trac avant de monter sur scène ?
Pierre-Marie : Oh moi ça fait… oui, ça fait 40 ans, 40… oui 40 ans que j’ai le trac. Et c’est pas le même trac. Mais disons que avant, il fallait… un mois avant, je perdais des kilos et des kilos parce que je mangeais rien.
Jessica : Oooh !
Pierre-Marie : Maintenant, c’est une semaine avant, une semaine avant, pendant la période de programmation, j’ai vraiment le trac, on fait tous toujours les mêmes cauchemars… toujours…
Jessica : Ah oui !
Pierre-Marie : Mais par contre, il est normal. Un jour, une comédienne se vantait de ne pas avoir de… le trac et Guitry[14] la regarde et lui dit : » Mademoiselle, quand vous aurez du talent, vous aurez le trac ». C’est tout à fait ça…
Jessica : Exactement, c’est le désir de bien faire, le… le trac. C’est presque positif.
Pierre-Marie : Absolument. Bien sûr, c’est la prise de conscience… il faut être inconscient pour rentrer sur scène et ne pas avoir le trac. Au contraire, quand on a le trac, c’est parce qu’on a toute cette conscience en nous. Maintenant, c’est vrai que le conseil que je donnerais, c’est que surtout, surtout, ne pas prendre style de médicaments miracles comme… c’est idiot. Même les médicaments, je dirais, homéopathiques etc., qui calment, vous savez…
Jessica : Ouais, ouais.
Pierre-Marie : Je n’ai jamais aussi mal joué de ma vie quand lorsque… ma mère est naturopathe, donc j’en parle en connaissance de cause, que lorsque j’ai pris des… des choses pour… non. À part évidemment pour les gros stress, hein. Mais au contraire, il faut se nourrir. Le stress ne doit pas être destructeur. Il devient destructeur quand il nous fait perdre nos moyens. Mais un orateur, lorsqu’il prend la parole, il doit répondre à des règles précises, à des… à des… des choses bien spécifiques… des choses à faire, qui sont du domaine du technique. Et après, une fois que c’est… que cette technicité est passée, il faut parler avec des mots simples, le plus naturellement possible, essayer de vivre comme quand on est en poésie, comme quand on est en oratoire, quand on… voilà. Donc, je pense que ce qui est important, c’est de s’entraîner. De s’entraîner.
Jessica : S’entraîner à parler.
Pierre-Marie : Et surtout, de s’écouter. Parce que s’entraîner, c’est une chose. Mais quand on entend sa voix, c’est pas la même chose. Voilà. Il faut se voir, aujourd’hui. Alors avant c’est vrai qu’on avait le micro etc., on écoutait dans les vieux magnétophones. Maintenant, aujourd’hui, qui n’a pas la possibilité, avec l’iPhone ou quoi, se de filmer et ensuite de se regarder. Parce que c’est un outil extraordinaire pour corriger[15] ses erreurs.
Jessica : Ah ! Oui. Donc c’est… ce serait un bon conseil aux… aux étudiants en fait.
Pierre-Marie : Oui, oui.
Jessica : Enregistrez-vous ou filmez-vous en train de parler. Alors…
Pierre-Marie : Filmez-vous…
Jessica : Pardon, oui. Ça peut avoir l’effet inverse. En général, on déteste s’entendre et donc… dire : « Ah non, j’ai horreur de ma voix » et puis… moi, par exemple, j’aime pas m’écouter.
Pierre-Marie : Oui, mais vous savez un étudiant qui va prendre… un étudiant… pourtant, vous avez une voix très agréable, vous avez une voix radiophonique. Ce qu’on appelle les voix radiophoniques.
Jessica : Ah bon ?
Pierre-Marie : C’est-à-dire c’est pas la voix de chambre à coucher, la voix… ce qu’on appelle la voix de chambre à coucher, c’est la voix suave, qui va être… vous savez, des hôtesses de l’air… Vous, vous avez une voix qui permet justement de… d’entendre l’information. C’est-à-dire une voix de radio.
Jessica : Ah bon !
Pierre-Marie : C’est-à-dire une voix où on est obligé d’être en éveil. Voilà. C’est… c’est ce que… c’est le timbre de voix. Il y a plusieurs timbres de voix, il y a la chambre à coucher même si… elle porte bien son nom.
Jessica : C’est pas la voix qui endort alors.
Pierre-Marie : Absolument (rires).
Jessica : Oui, c’est bizarre comme nom, je faisais une tête là, qu’est-ce qu’il dit…
Pierre-Marie : (rires). Non c’est ce qu’on utilise, c’est cette voix d’hôtesse de l’air, ou voilà de… où on essaie de charmer, vous voyez, le public. Vous, vous essayez de captiver votre auditoire. Mais je crois que c’est par déformation professionnelle aussi…
Jessica : Ah bon.
Pierre-Marie : Que vous avez développé ce timbre de voix. Donc je pense que, oui, vous êtes obligé de tenir en éveil. Donc la voix change, au fur et à mesure des années, le timbre aussi. Mais bon pour en revenir aux… aux étudiants…
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Non, il faut qu’ils considèrent l’outil comme un outil de travail. Donc, là s’ils sont pas obligés de prendre la parole, bien sûr que vous pouvez dire, oh non, ça je n’aime pas… mais attendez, si vous êtes obligé de franchir le pas, au contraire, vous allez vous en servir comme un outil. Et un outil, c’est toujours un outil de travail.
Jessica : Hm hm. Hm hm. Ouais.
Pierre-Marie : Voilà, qu’il soit positif ou négatif, ça reste quand même un outil, voilà. Et puis bien sûr, on ne prend jamais la parole si auparavant, on n’a pas pris la parole devant un auditoire restreint ou un petit auditoire.
Jessica : Ouais.
Pierre-Marie : Mais quand on doit prendre la parole, il faut s‘entraîner devant un petit auditoire.
Jessica : Bon alors, commencez donc à vous écouter et à vous filmer à la maison.
Pierre-Marie : Oui.
Jessica : Puis dans un cercle restreint et ensuite vous pourrez parler devant un stade complet. Voilà. Ça c’est le conseil…
Pierre-Marie : Encore que vous savez, Jessica, le fait de parler devant un stade, c’est… je dirais que c’est… je préfère jouer devant une salle de 500 ou 600 spectateurs que devant une salle de… de 80 personnes.
Jessica : Ouais. Ah oui !
Pierre-Marie : Je vous assure que c’est… au plus il y a de monde, au mieux c’est pour nous. Donc c’est pour ça, il ne faut absolument… et oui, vous avez l’impression qu’on porte toujours un jugement lorsqu’on a peu de monde dans une salle. Bon… c’est la même chose pour l’auditoire. C’est vrai que bon, quand on a trois ou quatre personnes, c’est aussi stressant que peut-être 20 ou 30 personnes quand on n’a jamais pris la parole.
Jessica : Oui, c’est vrai. Je trouve que ça fait plus peur, en effet. Hm hm.
Pierre-Marie : Voilà. Eh ben en fait, voilà, il faut passer ça, il faut passer outre. Et surtout, surtout, quand vous avez un auditoire, surtout quand vous devez prendre la parole face à des professeurs, des examinateurs etc., regardez toujours au-dessus de la tête. Ne regardez pas les gens dans les yeux, regardez légèrement au-dessus de la tête et balayez[16]. Balayez toujours votre regard pour permettre cette visibilité maximale. Ne fixez pas un point unique et ne regardez pas les gens dans les yeux.
Jessica : Ah !
Pierre-Marie : Ça, c’est très important parce que ça déstabilise. Quand vous voyez les visages, les jeux de physionomie…
Jessica : Oui.
Pierre-Marie : Vous risquez d’être déstabilisé. Le fait de regarder légèrement au-dessus de la tête, ça rend le visage flou et ça permet de croire à l’auditoire qu’on le regarde. Dans son intégralité.
Jessica : Oui ! Bah c’est une bonne idée, parce que effectivement[17] les… dans les yeux, ça peut rendre nerveux.
Pierre-Marie : Ah oui !
Jessica : Moi, comme j’ai été examinatrice dans des… dans des oraux d’examen, je n’aime pas du tout quand les étudiants regardent la table ou regardent les genoux. Mais alors donc essayez de viser plus haut. Bah c’est un beau message pour finir
Pierre-Marie : Oui, oui. Toujours un peu plus haut. C’est ce que je donne toujours à mes élèves.
Jessica : Et puis le trac disparaît rapidement hein en plus… quand…
Pierre-Marie : Le trac ne doit durer que les cinq premières minutes.
Jessica : Voilà, ouais.
Pierre-Marie : Ensuite, il doit disparaître sinon ça devient un stress, ça se transforme en stress, et le stress est destructeur.
Jessica : Ouais. Et après c’est du plaisir. Sauf quand on voit vos narines dilatées, donc ça veut dire qu’on a fait une bêtise sur scène.
Pierre-Marie : (rires). Mais vous savez que dans « Des Gommages Corporels », c’est ce que me dit Maxime qui était pas prévu et qui me dit : « Non mais je vois bien que vous êtes en colère, vous avez vos narines dilatées ». Et je me retiens de rire, c’est pour ça d’ailleurs que je me pince mon nez, si vous regardez bien sur la vidéo…
Jessica : Ah bon ! Ah je vais regarder encore alors !
Pierre-Marie : Parce que justement il m’a… il m’a relancé… il m’a lancé ça qui était pas prévu. Et donc c’est… c’est très drôle, oui. Il me lance, des fois[18], il me lance des… des petits messages comme ça, c’est très drôle (rires).
Jessica : Ah, c’est excellent, c’est excellent.
Pierre-Marie : Voilà, ça c’est anecdotique.
Jessica : Bon. Alors, on va laisser les auditeurs ici parce qu’on a débordé un petit peu sur le… le temps. Mais on a fini avec des précieux conseils pour aider à surmonter son… son stress. Donc de s’exprimer donc en français ou… ou devant une audience, un auditoire en tout cas.
Pierre-Marie : Oui.
Jessica : Donc, c’est un parfait message pour… pour finir cette interview.
Pierre-Marie : Avec plaisir.
Jessica : Donc je vous… je vous remercie de tout cœur Pierre-Marie. Et puis je mettrai le… donc le lien donc sur… donc sur le site internet, sur les show notes de l’épisode, vers votre chaîne YouTube et j’invite vraiment les étudiants de niveau avancé, parce que c’est pas encore sous-titré, à bon entendeur, hein, de… d’aller découvrir vos pièces qui sont vraiment… vraiment désopilantes et… et très bien jouées.
Pierre-Marie : Je vous remercie.
Jessica : Je vous remercie. Au revoir, à bientôt.
Pierre-Marie : À bientôt Jessica.